Raphaël Dormoy

Littérature, écriture

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08.11.2024

Évidemment que… évidemment que… Ce double mouvement m’interdirait, me laisserait à côté ; sur le muret. Je laisserais la route aux passants, à la route elle-même, et la tentation serait grande alors d’y mettre les pieds, de tester l’équilibre, mais ceci pour rire. Évidemment que… évidemment que… Évidemment que je ne suis pas là ; que j’en fais part, mais que je n’en suis pas, malgré mon intellect qui me colle cet ici contre le corps, comme une grosse bulle. Rien à faire, cet autre en moi s’y refuse, condamne l’acte, se met à hurler : Non. Je peux évidemment prendre la grosse bulle dans les bras (Elle est plus grosse que moi). Évidemment que je ne sais qu’en faire une fois que je la tiens. (Qui jouerait avec moi ?) Et qui la voudrait. Elle est encombrante. Alors il vaut mieux ne pas penser, ne pas trop penser, accepter : remettre le bras dedans, la tête, l’autre ensuite, l’enfiler jusqu’au pied, souffler un peu pour la mettre à distance. Retrouver le siège. Le ter arrive bientôt en gare de Rambouillet. Chacun, chaque chose, est à sa place. Le ter est le ter. Évidemment que le bleu du ciel qui sourit n’est pas pour ici. Pour tout de suite. Pour maintenant. Pourtant deux meurtrières feraient Oui de la bouche. Évidemment. Nous sommes vendredi. Le ter est le ter. Tout est reconnaissable. La banderole électronique qui défile dans le rectangle d’information, il est écrit dedans en lettres orange : « Tout est bien ».

16.09.2024

Il faut prendre le mot et le tordre, surtout ne pas suivre ce que montre l’œil, ce que montre le torve, ne pas tomber dans le piège, et conséquemment tomber dedans, dans l’œil. Ouvrir le mot : ce qui spontanément ouvre les rêves. Au bout d’une forme, le mot ne revient pas en son état antérieur. Le mot reste là abandonné, laissé comme une épave à l’intérieur du parking. Les rêves continuent d’entrer ci et là, comme on cligne des cils sans faire l’effort du paysage. Lequel attraper ? Le propriétaire peut-il nous rencontrer ? Le propriétaire d’une maison devenue plus réelle que la mienne à cet instant du rêve. J’imagine qu’il en va de même pour tout : pour tout ce qui nous tient, dans notre quotidien. Je parle des soucis, des dettes. Aussi réels que cet instant de rêve. Comment les gens font-ils pour se reposer, pour que leurs jambes au milieu du mouvement ne restent pas en l’air, qu’ils en sortent, qu’ils se reposent vraiment. Tous ces mots à la fin du jour représentent certainement les cadavres de certains bonbons que le corps a juste léchés. Par conséquent, la journée de demain sera aussi douce qu’aujourd’hui, et sera délayée de tous les éléments compliqués ; les admirateurs pourront naturellement s’y baigner.

 

31.10.2024

L’époque n’attend rien ; elle nous fixe. Cela fait si longtemps que je suis là que je ne sais plus bien si le monde ressemble à ce qu’il était. Elle écrase beaucoup de nous comme il faut libérer. On peut voir le ciel étoilé, se soumettre à sa perspective, à la profonde heure, à l’absence même de direction, au vertige, le ciel ne nous sait pas plus qu’un sol qui se met à saigner. En même temps, celui qui croit tient la bougie dans sa main, qui reste main quelle que soit la circonstance. Les grains de poussière assèchent la peau, mais l’homme tient encore au miracle jusqu’au haut de la lumière. Le ciel étoilé reste silencieux, dit l’enfant. Parmi les points, il jette une virgule. Et puis, tu pourrais apprendre à respirer avant la suivante inflexion du corps. L’époque nous a fixés aux chaises. On les espère à roulettes, qu’elles nous emmènent au dernier salon et qu’elles nous fassent en un claquement de doigts plonger là où l’air est bon. D’autres se satisferont d’une image pieuse, plutôt que jouir de l’espace vide collé aux sens qui rassure, quand d’autres rêveront le lieu dans un magazine, et s’offriront le carré blanc, en attendant la fin qui ne vient pas, qu’on repousse chaque jour. Il est ce siège – Il faut savoir apprécier, l’évaluer – dont chacun doit saisir la portée avant de porter sa vie dans ses aspérités. Il faut être solide, mais pour combien ? Le soir est déjà là que le matin s’éveille, que l’enfant a grandi, que le visage ne ressemble plus à celui que soi avait construit de soi. Il faut faire avec et prendre chacun de ces « Il faut faire avec » pour confectionner un filet de pêche ; accepter la condition, à la condition que soi ait l’avantage du premier pas, non de la direction, mais dans la certitude que le premier pas n’est pas désappropriable. Et qu’au contraire il faut apprendre à marcher dans ce premier pas comme l’enfant qui glisse dans le toboggan. Dans la direction, choisie par le fait qu’elle amorce son mouvement. Les paroles sont des herbes hautes, qui caressent votre corps, qui vous caressent le visage, qui caressent le corps. Cela suffit à rendre digne la plage. Mais alors quelle publicité ferait-on ? Elle serait aussi ridicule qu’une idée complexe. La posture nous sauvre le livre, l’écrit, et donne peut-être à la page une dureté de coque, et pourquoi pas friable, gourmande.

26.10.2024

Faire l’effort, cela fait longtemps, tiens. Évidemment je ne me souviens de rien. Il me souvient du chemin, mais pas de l’état. Du moins j’imagine l’état. J’hésite. J’ai envie de rester là, à l’entrée ; comme une puissance au seuil. À moins que le charme se soit estompé, que l’enclos soit clos, – que je sois condamné à rester là, dans cet espace-temps : une réalité, quelconque. Évidemment tout porte à croire : l’automne, les murs, la date. Le ballon. Même le passant avec son air mélancolique, qui passe derrière la grille du parc.  Tout me porte à rester là, sur ce banc, entre la corde à sauter – son mouvement hélicoïdal, et le ballon – les passes ; entre les deux béquilles. Impossible de sortir d’ici pour le moment. Mon voisin met un sens inouï pour faire exister son mouvement de ballon, ses passes à son fils, son fils lui-même. Il crie, il est bruyant, il explique ce qu’il fait. Il frappe le ballon. À présent la lumière dévoile l’or du platane. Un bruit lointain fait celui d’une trottinette qui pleure. Et, je suis censé moi-même être assis, sur ce banc, dans le square René-Le Gall, à côté d’un arbre remarquable. Bref, tout est signifiant ; rien n’y échappe. À force de ne plus l’ouvrir, il est possible que le temps ait verrouillé la porte. Je suis bien quelque part, parmi les passants, les perruches, la robe de mariée qui passe dans le ciel, la paréidolie des nuages. Je suis bien quelque part, dit l’homme. Je n’arrive plus à voir, à travers mes yeux, le néant, pas plus qu’à entrer dans l’éternité ; à faire corps avec. Cependant, ce qui se présente depuis tout à l’heure me convient tout à fait. L’espace-temps est remarquable, malgré la douleur du pied, la vue faiblarde, je n’ai rien à changer du lieu. Me proposerait-on d’être ailleurs, je ne saurais quoi ajouter. Le mouvement des perruches, leurs cris, me rapproche insensiblement de l’espace entrouvert, entre l’ici et le monde des morts. Quoi que cet ici ne soit plus tout à fait le même : l’enclos s’est ouvert, et le sujet sourit. Dans le parc, sur l’asphalte, l’enfant fait rebondir un ballon sur son genou. Ça y est, je vois. J’ai vu. 

08.08.2024

Peux-tu rester là,
sans rien faire,
À écouter le chant d’une fauvette noire
À travailler le corps-à-corps avec celui d’une cigale ;
À rester là, sur le seuil 
L’homme fait tant de bruit
Que la portée restée nue
le reste.

05.09.2024

Regarder la pluie. J’ai cette chance, aujourd’hui. Regarder la pluie. Et l’entendre. L’entendre. On la voit mieux tomber devant l’arbre. Un pin fait de ces traits penchés, de quelques degrés par rapport à la verticalité du ciel. Et les gouttes, suspendues au bord de mon balcon, à des feuilles. J’ai cette chance ; voir la pluie tomber. Avoir le loisir d’avoir ce temps, pour la contempler. Et l’entendre. Être hors du monde et l’entendre. Le volume se baisse, le ciel s’éclaircit, mais on voit toujours les traits penchés, plus fins sur le pin. Réussir soi, cette fois-ci à faire une de soi une goutte – goutte suspendue de soi – tandis que le temps coule, que les roues des voitures laissent entendre l’adhérence pressée de leurs passagers, que les sirènes vont d’un bout à l’autre de la ville, comme les habitants du ciel.
Être cette goutte : suspendue.

01.08.2024

L’habitude, c’est de finir par se sentir chez soi dans des lieux d’habitudes : pour moi, une gare (cette gare), un bureau (mon bureau), des arbres en bord de Seine (le paysage à la fenêtre). Alors pour celui qui se sent chez lui dans un lieu neuf, ou qui se sent très chez lui dans le nulle part (, mais ici, dans cette cette gare), il est une sorte de tendresse à poser ce même regard dans un lieu d’habitudes, à reconnaitre ce lieu dans toute son étrangeté, et sa familiarité, et à profiter de ce voyage, de ce petit écart, assis sur le quai, dans l’attente du train qui ne vient pas.

19.08.2024

Faire un selfie avec mon téléphone, même médiocre, me rappelle que je suis vivant. Je n’ai pas besoin de ce portrait pour savoir que je le suis. Mais il donne une image. Il s’agit moins de l’image que de l’acte lui-même, d’abord l’image puis rétroactivement le geste qui conduit à l’image. Ce geste n’est-il pas la somme des humains qui sur Terre chaque jour prennent un selfie ? Mon geste est dérisoire. Vaut-il plus qu’un portrait devant la Tour Eiffel ? Un portrait sur un lit d’hôpital, dans la lumière crue de la chambre, le visage pâlot. Ouvrons les volets. Rusons face au néant, tantôt d’une photographie, tantôt de notre disparition : laissons la lumière entrer.

Res T

Et si l’homme écrivait. Se tenant. Penché. Au bord. La difficulté serait De. Double. Tenir le fils. Mais. Rire. Il serait facile de se tenir à distance. Mieux, d’idéaliser l’instant d’une peinture figurative Chassant ici là le vent mauvais des métaphores. Mais. Ce serait. (La chute) (Il faudrait) (Entendre la ligne). Ce serait. Ainsi resté. Entre le S et le T. Sentir. Tenir. Et si rester Était la clé. Faire grandir Ce qui. Justement Ce qui. Ben tiens nous voilà Embêtés. Faire gonfler le banc. Pour l’image par exemple. Le banc gonfle. Le Blanc gonfe. Le banc gonfle. Le blanc gonfe Onfle c’est dur Bref. Souffer gonfler Souffler gonfer. Ce n’est pas du diverstissement. C’est tout à Refaire. Nous y sommes. Se tenir. Près. Prêt. Faire fleur ? Expulser. Non, mince. Faire entrer ? Faire quoi ? (évidemment grenouille) Avec qui ? Se tenir près. Mais alors (bien fière liaison) Le mésalor. Le mésalor arc tendu. Le Mésalor Pays (ou pas) Pièce d’horloger (d’or logé) Nous y sommes. Balancier. * Tic tac tic tac Nous y sommes. Toujours le Toc toc Eux prennent leur temps : les nuages. Mais alors Mésalor : Rien On serait presque gêné d’avoir fait trace. Alors quoi ? Se taire Complètement. Ne reste plus que la forme. Compléter le silence. Se taire complètement Est-ce ? * Qui parle ? Qui veut parler à qui ? Qui parle à soi ? Qui regarde en effet. Qui est. Je tu il nous vont-il. Qui est là : depuis Toujours. Qui s’interroge. Je est un grand qui. Granki. Qui respire qui voit. Ah, quoi voit qui ! * Se tenir prêt. Comme on vient. Se tenir prêt. Quoi regarde qui. Qui est qui, naturellement. Quoi regarde qui. Quoi est qui. Il y a d’autres quoi autour de quoi, présumé-je. À dire qu’ils sont qui…
Quoi regarde qui. Qui est coi de toute façon. Se tenir prêt. Quoi me regarde. Nous sommes cois.
* Choeur écho ?
Quoi Quoi Quoi Célébration ?
Parfois le langage est comme un soleil fort montrant les ombres
Chœur écho
Dans quel page s’écrit-on nous-mêmes
Homme-sandwich pour la plupart de nous
Célébration des sphères
Quoi intangible vivant vibrant
Qui petit quand même
Qui ici présent, mais quoi d’autres : vivants présents
Quoi Quoi vous parlent
Quoi reste à qui
* Qui Qui
Se tenir prêt
Qui qui
Se tenir près 
Bord du tour
Tour du bord,
Se tenir prêt.

Res T, 06.10.24

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