Je flotte dans cet espace et je comprends malgré moi la conversation de mes voisins. Il pleut depuis ce matin, depuis hier, depuis toujours dirait-on tant il pleut. Il pleut. J’entends la conversation de mes voisins et je la comprends. Je comprends les phrases. D’un point de vue chirurgical, je comprends leurs phrases. La buée s’accumule sur les vitres du rer. Et le bandeau d’information défile. Je comprends les phrases de mes voisins. Mais je comprends l’espace autre qui s’ouvre aussi. Je comprends l’ordre au-dessus ; que chaque phrase met du sens à l’histoire, au monde au lieu, à chacun. Mais ce n’est pas ça qui est beau à voir. Ce n’est pas ça qui est beau à sentir. C’est l’ordre au-dessus, l’ordre au-dessus qui coule comme le ruisseau coule. C’est ce néant qui est si délicat à sentir, à humer. C’est beau à sentir, à vivre. À ressentir, à respirer. Et mes petits mots qui font des cailloux là-dedans. Et mes phrases qui font comme des algues accrochées à l’instant. C’est beau à sentir, avant de replonger comme la grenouille dans son reflet.