Il ne se passera rien dans ma vie d’homme qui vaille d’être raconté. Mes nuits sont tristes, mes jours sont à pleurer. Sur la feuille, il n’est rien qui puisse être épinglé. J’ai hésité à ranger le matériel, à m’enfoncer dans le sommeil et le silence. C’est tout. Avec pour seule présence ces années passées et le silence. Et puis, je me suis dit que tous ces lecteurs avaient existé, mais qu’au fond, ils n’avaient jamais plus existé que ceux qui me font défaut aujourd’hui. Cependant, les fantômes déglingués existaient aujourd’hui, tout autant que ces lecteurs passés, et de fait, avaient pris le dessus dans mes jours sans vie, sans autre perspective que la présence de cet art qui me somme de me taire, et de contempler le désastre de ma vie vide. Finalement, celle vers quoi il me fallait tendre. Je contemplais néanmoins les lecteurs présents, non pas ceux vivaces du souvenir, mais celles et ceux qui restaient à mes côtés. Je vis mes ongles et je n’ai rien écrit, non pas par le désespoir d’un homme fatigué, mais par le fait de cette lumière, reconnaissable entre toutes, par laquelle peut advenir l’illusion d’un monde.