Les zombis regardent le monde derrière leurs yeux vitreux, sans rien voir du monde. Il voit le monde à travers ses yeux et se raccroche à la praxis, faute de quoi il ne survivrait pas. Le zombi marche non sans but, mais vers son futur ; le futur qui rassoit sa position, sans quoi la chaise tomberait et son corps. L’objet le reflète. L’objet reflète son corps d’habitudes. Il prend l’objet dans ses mains, se contemple, sourit. Le zombi est satisfait de ce contact. Mettez un zombi devant un arbre. Demandez-lui de caresser l’arbre, de prendre l’arbre dans ses bras, il ne comprendrait pas. Il ne comprend pas. Il tourne la tête vers vous et ne comprend pas. Puisqu’un arbre n’est qu’un arbre. Il ne comprend pas et vous regarde. Le zombi n’a pas de compréhension de la mort, et n’a pas de compréhension de la vie. La mort est une absence. Et hors du corps d’habitude, la vie l’est tout autant. Parfois le zombi, avec ses moyens, s’invente une parure, comme celle d’un bison, et vous lance un sourire. Mais ça ne suffit pas à le rendre humain. Si le zombi marchait sans but, il errerait, du verbe « errer » et non de l’onomatopée rererere, jusqu’à trouver un point d’appui, une coupelle pour y boire n’importe quoi, mais une coupelle qui reflète ses lèvres, qu’elles soient là devant lui ; et que son visage soit bien là entre ses mains, et ses mains bien là sur son visage, et que des pieds soient bien à leur place dans des chaussures, avec les lacets bien faits, et le petit écran allumé dans le salon, et le salon bien dans la maison ; alors j’ai tout, dit le zombi repu qui peut enfin s’asseoir. Et la montre au poignet qu’il tourne pour regarder l’heure.