Raphaël Dormoy

Littérature, écriture

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30.04.2023

Être au cœur
Il n’est pas rouge, mais vert
Vers ici au cœur.
Dans l’allée, des nuées de moucherons indisposent le passant 
Cela fait deux décennies que j’écris et : Il y a de la vie partout partout Partout
Le geai des chênes furtif se pose près du banc
Je le suis du regard de feuille en feuille, parmi les mésanges festonnant dans la nuée des branches 
À écouter de loin de près, à décentrer l’attention, l’homme est une petite part.
Une grive musicienne s’est mise à chanter;  ou je l’écoute ou j’écoute 
Nous sommes une petite part de la grande part.

 

30.04.2023

Expérimenter la langue pour
mieux voir, mieux entendre.
Expérimenter, exprimer.
Quémander aux dieux comme le sansonnet la miette
et l’humain un chant neuf, recommencé.
Quitter, quitter, mais quitter quoi ?
Quitter pour mieux deviner la forme du reflet.
Sur l’avenue des Gobelins, la voiture du cirque Zavatta passe au ralenti, et nous informe du spectacle qui vient, avant le défilé du 1er mai, après les feux d’artifices des financiers.
Les moucherons ont leur nuée.
Ici, tout est tracé.
Apprendre à voir comme le chien sent,
Peut-être est-ce le chemin de la rédemption,
la mie, la mie tendre, mais lui à cet instant veut la croute,
la racine qui ouvre le ciel.

06.04.2023

Il n’y a plus d’histoires à raconter. Le merveilleux est mort. En était-il autrefois de telles assertions possibles ? Dans la petite allée les passants s’en vont, certainement au travail. Et les quelques retardataires, à moins qu’ils s’agissent de retraités, mais certainement des humains, sont à leurs fenêtres. Je suis la seule personne dans le jardin assise sur le banc. Il pleut. Il ne pleut pas des cordes, mais des gouttes tombent et font leur bruit sur la capuche. Le cerisier s’est vêtu de ses pompons de fleurs. Outre cette magnificence la nature pourtant silencieuse semble être présente au jour. Que dis-je, elle semble consciente. Il n’est plus d’histoire à raconter, dans le cœur des hommes. Peut-être le merveilleux s’est-il déplacé en son origine. Un groupe d’écoliers traverse le chemin. Il s’agit certainement d’une classe. On voit la flamme encore virevolter au-dessus de ces jeunes statures en mouvement. Je ne sais pas bien ce que le merle pense de nos présences, mais il regarde les passants, lui aussi, tout en avançant, en sautillant. Il pleut plus encore. La narration est elle possible encore dans le cœur des hommes ? Qui s’est arrêté devant le cerisier en fleurs ? Le merle rend grâce.

13.03.2023

Voir revoir
Voir à nouveau le présent,
Voici mon espérance ;
Le présent Immédiat
Le présent d’avant le présent
Le présent joueur ;
Jou-eur, dites-le à votre guise,
Mais si vous l’écrivez
Séparez bien les lettres, mettez-y du vide
Ne vous laissez pas dompter par la chaise.
A vous asseoir, riez
Chaque fois que le mouvement de vous asseoir s’opère, riez.
Riez. Riez riez riez !
Mais il est déjà tard :
Je suis assis dans la chaise et la chaise vit en moi.
Le présent s’éloigne.

08.09.2022

Je ne pourrai plus rien écrire je pense, à moins de tout, radicalement changer.
Je ne pourrai plus rien écrire je pense à moins de tout changer radicalement.
Ce n’est plus une question de sens, ni de situation,
De conforter le néant ou le réel,
le nez en l’air, ou le corps dans la pagaie (gai savoir, va)
Non là est plus profond.
Un l’un dit : « une forme particulière qui épouse la matière. »
Fini les rêves aussi, la transcription au réveil, ou la plongée dans la nuit, la forme ou l’abime,
le genre aussi, même si l’oiseau (compagnon reste fidèle) aux choses.
Le mot : comme continuité de la matière.

(Selon une condamnation au non silence.)

Note, 08.08.2022

21.02.2023

Il y a, à cet instant, de vide, un extérieur qui m’oppresse. Non pas l’extérieur, mais la banale réalité des jours à venir. Non pas la banalité des jours à venir, mais ce à quoi, si vous êtes normalement constitué, c’est-à-dire de joie et de silence intérieur vous tenteriez d’échapper : Une tapisserie dont l’être s’est affublé aux limites même d’un ailleurs pour tenter de constituer un soi, un soi raisonnable, afin de traverser la vie. La vie, moins direction que charges, que charges d’âmes dont l’équipage doit prendre soin. Cet extérieur vient taper au centre de l’ici alors que je réussissais à m’extraire. Mais il reste ce centre, et je le vois, à cet instant je le ressens, comme un foyer vivant. Une poche de respiration d’où tout peut repartir. J’en mesure la hauteur et la profondeur pour être sûr de ne pas l’oublier. Ici la maison fait ses propres bruits. Le temps sort de l’horloge, de son corps mécanique, et le paysage doit être tu. Mais je ne manque pas de constater, dans la baie, le vol d’oiseaux, une dizaine, des palombes dans le ciel blanc, groupées, avec une forme fantasque d’un caractère en devenir. Et à quelques doigts du regard, sur la paille, les petits signes – moineaux, mésanges – de ponctuation, sauvages. Enfin c’est peut-être se souvenir qu’à l’endroit du vide, on peut ôter une lettre sans rien céder. On peut supprimer sans rien céder.

06.03.2023

Ce même lieu il pourrait tout arriver, bien sûr. Mais les personnages se déplacent déjà dans une fiction. Je regarde : je ne trouve pas les mots. Il y a le merveilleux certes. Mais il y a les voix aussi dans la station de métro qui me ramènent à la fiction des lieux, des personnages. Les livres seraient-ils des bougies, dans cet univers, contraint par ses peintures pariétales, elles sont fragiles. Elles n’ont pas fini de se consumer qu’elles sont déjà éteintes, dans le meilleur des cas, laissant de nouveau apparaître la grotte et ses peintures. Je suis trop sombre, je ne devrais pas. Le retard de mon train, ou plutôt l’accident de ce matin, m’a permis de – changer de ligne. Et tant bien même je serais maintenant perdu, tant bien même le chemin suivrait celui de l’intuition et non celui des pas vers lequel le regard pointe, j’ai appris à me repérer. Je sais avancer sans voir. Je veux dire sans voir dans ce monde saisi. Alors oui, cette nouvelle ligne à présent, alors oui me conduit elle, est-elle censée me conduire, au même endroit, celui de mon travail, comprenez que l’excitation soit forte ! Et si j’avais, est-ce la bonne phrase, et si j’avais trouvé – un minuscule caillou. Mais un caillou bien à moi que je puisse saisir. Un caillou de la dimension d’une montagne. Je ne veux pas aller plus loin. Cela me suffit. J’aurai loisir de le saisir, de la contempler. J’aurai gagné ma journée. Je serai déjà sauvé. Dans la dignité. Que fait la dignité d’être humain ? je me pose la question. Je me pose la question à la lumière des fleurs dans le talus, à la lumière d’une narcisse qui brille de mille éclats au milieu d’un amas. Je me pose la question à la lumière de l’arbre qui se déploie. Cette dignité, dans quoi serait-elle contenue, demande-t-il ? Pour faire soi aussi partie de la ronde des vies.

09.02.2023

Le soleil entre jusqu’au rêve
Corps conscience, écuelle,
Tous les chiffons de la veille baignent encore,
tandis que le corps a repris le chemin du jour.
Trains en retard, lignes se défaussent ; qu’y pouvons-nous ?
Le soleil dans la vitre rêve-t-il parfois,
Se prend-il pour une étoile, lointaine,
tandis que partout les hommes ont réveillé le jour
Ont secoué ses puces.

 

02.02.2023

C’est le même, vingt ans après dans le miroir
Le même : la même posture Ce jeune homme refait surface Avec Ses mêmes
questions ses mêmes ouvertures
Quoi le ressuscite ?
Peut-être une posture
Le manteau n’est plus le même mais la présence des manches de ce manteau ancien est plus réelle sur sa peau que celui qu’il porte, que le corps du train, ou celui de la plaine.
Le reflet de la vitre ne renvoie rien de son visage ; il est le paysage du matin, hivernal, avec ses arbres nus, ces murs en meulière, ces fils qui longe la vie.
Le reflet de la vitre du train ne renvoie rien de son visage si ce n’est un fin croissant : de lune, de paysage.
Ce jeune homme est le même.
Rien n’a changé

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