Dans ma vie, je n’ai pas de place ni pour un livre ni pour un poème.
Le silence s’arrache au prix d’un grand silence
Je ( ) regarde mon espace, restreint, et ma bibliothèque
(Tous les livres) s’entassent comme (des) chemises (, ) froissées, jetées dans un bac
Le grand ( ) jour n’est point venu : le Pierrot me tourne le dos
Je vis dans une feuille, volante.
Tandis que le corps creuse ses ( ) galeries partout.
( ) L’électricité marche encore
La plante est vigoureuse.
Auteur/autrice : rd (Page 32 of 53)
Je prends mon dictaphone : il pleut. Il pleut. Il pleut. Il pleut des morceaux. Il pleut des morceaux. Les taches. Les taches. Même sur le mur. Même sur les murs. il pleut. Il pleut des morceaux. Il pleut. Il pleut. S’il fallait les rassembler, ce serait compliqué à présent. Comme un sablier. Mais il pleut. La pluie fait disparaître le plafond. Les secondes s’enfuient. On pourrait sentir le sable sous nos pieds tant elles sont nombreuses. C’est comme perdre un bras, lentement sous nos yeux. Il pleut, il pleut. Le monde est chargé de valeur et d’un éclat. Il pleut, il pleut. Pourquoi certains continuent-ils à coller des posters sur les murs ? Que verrait-on encore ? Quel lien resterait-il, tel que le vivant nous le connaissons mort, tel que nous nous sentons seuls. Les grosses gouttes transforment les eaux en rivière. Et chaque lettre en courbe et chaque courbe en tache. La pluie se désagrège à mesure que le mot lui-même.
La lune dans les tilleuls
Et si j’agitais la lune
Combien de pièces d’or
Chaque fois que je prends le métro,
je me rappelle ô combien j’ai la chance d’être joyeux
mais, peut-être que tous ces gens autour de moi portent-ils des masques de fête ?
que les regards se concentrent à ne rien dévoiler de la fête ?
qu’ils font mine de ne pas voir mon sourire, mes clins d’œil,
trouvant plein de prétextes — toux, rictus, écrire un message, rictus — oh oh
finalement le métro est une grande fête
et nous attendons l’arrivée de la Nuit
pour nous dévêtir.
Nous sommes déjà morts, mais nous ne le savons pas. Ou l’avons oublié. Ou peut-être les gens taisent ou le savent ou l’ignorent. Peut-être serait-il difficile de mettre un mot dessus, dessus quoi. Dessus quoi hésite. D’autres sont ici, sans se souvenir. Nous sommes sur la ligne de bus 68. D’autres sont si concentrés sur la lecture de leur livre qu’ils deviennent un fil tendu entre les mondes. Je marche dessus en équilibre. D’autres déroulent le fil de leurs pensées et gare au freinage du bus. Beaucoup se taisent et certains réussissent à faire sourire un mort.
Dans la pluie d’octobre
Les tilleuls se sont vêtus
D’un peu plus d’or
Le tulipier de Virginie
Vois mes richesses, fait-il
Dans le vent d’octobre
“Pourquoi suis-je là ?” J’ai retrouvé le fil et par conséquent la question reste entre mes doigts. Je ne sais qu’en faire. La question de ne se pose même pas. Les volumes sont pleins. Même les volumes vides. Je lance un regard à ma voisine avec la question dedans pour être sûr de l’avoir quittée. Non, il n’y aucune place pour aucun doute. Mais bientôt je me rends compte que nous allons nulle part ; que le métro a beau se déplacer, c’est le présent qui se déplace et le présent est ma seule destination. Je me lève, je m’assois, je me lève, je m’assois. Bientôt je vais m’inventer un but, celui qui m’a fait monter dans la rame, et j’oublierai possiblement ma première destination.
La virgule saute les points, applaudissent… Elle s’est mise à battre, la pluie cogne. Je sors de la flaque une serviette, l’ouvre et la pose sur ses cuisses: elle transpire, respire, m’inspire. « Do you have some paper ?… she breathes. – Yes, I do. » Ces yeux, ô ses yeux si tu savais ! fixent l’horizon, moulent sa ligne. Et ses doigts, ils effritent une matière: elle est brune, érotique. Je lui tends mon briquet. Une phrase en a jailli qui la fait rire. Je voudrais tant lui plaire; mais l’homme, est-ce exotique?
Des cocos ne tombent pas du ciel. Je les sabre et verse en ses lèvres un goût de poésie. «T.O.T. ma belle, ta langue ne m’est pas étrangère. » C’est évident! je survivrai en ses bras. Elle esquisse un sourire. Il pleut, il pleut. Les miens cherchent les siens. Mais déjà, elle n’est plus.
Poèmes de jeunesse, 2006
Nuit stupéfiante, je me remémore.
Dans le cimetière cette nuit, j’écoutais mes pas quand un bruit non loin me fit sursauter.
Le vent ? Je voulais m’en convaincre, mais les feuilles craquaient, une ombre se mouvait.
« Qui va là ? » lançai-je.
Pas de réponse —
Avec courage, je sommai une seconde fois l’inconnu : « Halte là, ou je me tue ! »
L’ombre s’immobilisa, une voix s’anima.
« Je suis le gardien. Vous n’avez rien à faire là, c’est interdit. »
Mon soulagement équivalait bien à une amende.
Je courrais et sautai dans ces bras, il n’en avait pas.
Poèmes de jeunesse, 2006

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