Lorsque le journalisme oublie de tremper sa plume dans le feu même du soleil, ou qu’il oublie sa nature profonde d’être les rais de l’astre bondissant qui éclairent le monde et sa naissante vitalité, alors il ne produit rien qu’un tas d’immondices que le reflux de la marée et la montée du jour terminent d’assécher sur les sables. Des cadavres, des cadavres, des prospectus, et tout un fatras de fils qui vient d’on ne sait où. L’ensemble est d’une telle indécence que le regard s’en trouve amoindri — dans la contemplation du jour, et qu’un voile de tristesse tombe. À y voir de près, tous ces déchets, tous ces cadavres, tous ces fils forment d’étranges personnages, d’étonnantes figures, de drôles de paysages, qui se muent parfois en signes abstraits. Lorsque la nuit redevient maîtresse des lieux, des feux follets au-dessus de ces tas abandonnés paraissent, faits d’une lumière froide, presque incandescente. L’irisation provoquée par ce tableau d’ensemble conditionne le volume nocturne. L’esprit s’agite alors, produisant des constellations fébriles ; la vision du rayonnement de la mer fait goutter le corps à grosses perles ; et la sensation de froid délivrée par ce paysage maladif se conjugue à celui de la nuit, raidissant le corps, syncopant le rythme de la respiration, faisant trembler tous les muscles. Au matin, le corps se précipite sur la langue de sable, cherchant, au milieu des cordes et des déchets, quelques indices — mais lesquels ? La main frotte le sable, encore mouillé, effaçant par son mouvement sa propre trace. Bientôt pris dans les rets de ces éléments disparates, s’enfonçant, s’enfouissant, s’agitant pour s’en détacher, se pressant, se dressant, voilà la corps frappé d’une horrible douleur. Le corps s’asphyxie, et plus il pousse plus il tire, plus les liens se resserrent. Les plus chanceux continuent malgré tout de déambuler, passant sur la plage et paissant, formant des sortes de monstres archaïques au gré des ordures qui les couvrent, et qu’ils traînent, au milieu des déchets du jour, et qui dans la nuit phosphorent de concert, dans un étrange et lent ballet.
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