Je tiens un grand texe, dit-il faisant voler les feuilles. Je tiens un grand texe, agite-t-il, ajoute-t-il en tous sens. Il traverse, sort, respire grand, s’assoit sur un banc, contemple les nuages même si se présente à son regard la seule couronne dense du copalme d’Amérique dont les trois pieds ombragent la place. Ah ah, clame-t-il, même si c’est un unique sourire qui se dessine sur ses lèvres. Ah oh, s’aventure-t-il, en voici la preuve flagrante : ce grand texe m’a sorti de mes feuilles, de mes déboires, de mes rythmes, de mes soucis, les cela, pour m’asseoir ici sur cette place. Cette place réelle à l’ombre du monde, qui le tient tel un point ferme sur la page. Ah oh ah, fait-il encore tout en malice roulant vers le passant une œillade complice. Texe ; voyez comme il coule de source, d’une eau cristalline tandis que le vent bat une mesure délicate, sur l’écorce, le corps de son souffle enveloppant. Ainsi le rêveur, ainsi le poète, un rien l’habille. Ôter lui ses illusions, que resterait-il ? Ni les nuages derrière la couronne des arbres, ni ces interjections, ni l’air cristallin. Il resterait un homme, encombré de textes, de feuilles en désherence, posés sur la table, et la petite place de la rue Hericart serait restée tout à fait vide, sans lui pour dire oh ah derrière un sourire sincère, vers des nuages rêvés, dans un ciel tout à fait bleu.
Commentaires récents