Raphaël Dormoy

Littérature, écriture

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01.01.2016

Il ne se passera rien dans ma vie d’homme qui vaille d’être raconté. Mes nuits sont tristes, mes jours sont à pleurer. Sur la feuille, il n’est rien qui puisse être épinglé. J’ai hésité à ranger le matériel, à m’enfoncer dans le sommeil et le silence. C’est tout. Avec pour seule présence ces années passées et le silence. Et puis, je me suis dit que tous ces lecteurs avaient existé, mais qu’au fond, ils n’avaient jamais plus existé que ceux qui me font défaut aujourd’hui. Cependant, les fantômes déglingués existaient aujourd’hui, tout autant que ces lecteurs passés, et de fait, avaient pris le dessus dans mes jours sans vie, sans autre perspective que la présence de cet art qui me somme de me taire, et de contempler le désastre de ma vie vide. Finalement, celle vers quoi il me fallait tendre. Je contemplais néanmoins les lecteurs présents, non pas ceux vivaces du souvenir, mais celles et ceux qui restaient à mes côtés. Je vis mes ongles et je n’ai rien écrit, non pas par le désespoir d’un homme fatigué, mais par le fait de cette lumière, reconnaissable entre toutes, par laquelle peut advenir l’illusion d’un monde. 

Dieu est-il joueur, nouvelle fantastique

Dieu est-il joueur, une courte nouvelle, pour se distraire ou se divertir. Fantastique, of course. Le personnage du Diable occupe une place centrale dans quelques écrits. Cette nouvelle s’inscrit dans un autre cycle fantastique que les précédentes (qui chacune s’inscrit dans un autre cycle fantastique), que je qualifierais volontiers de grotesque. Mais pourquoi bouder son plaisir ? J’espère qu’elle divertira un ou deux lecteurs. Pour la lire, il suffit de cliquer sur le titre, ou ici,  ou de se rendre dans l’onglet Récits /Nouvelles.  Joyeux Noël, bonnes fêtes de fin d’année et bon repos. 

Du métier d’écrire

Le vide qui entoure l’écriture est inouï, et si j’écris ce soir, ce n’est pas tant pour partager mes états d’âme que pour fixer, une fois pour toute, l’image qui se révèle. Je suis dans la chambre noir, et le matériel est prêt. Bains de révélation, fil tendu, pinces à linge, la porte est close. L’imaginaire est censé se taire lorsque l’obscurité se fait. La vérité tient dans cette phrase : l’écrivain est seul. Il ne s’agit pas de cette solitude rêvée que les gens de goût apprécient, ce mélange de silence, de temps et donc d’espérance, à laquelle s’accouplent les bienfaits du regard, d’une nature prête à épouser le corps, et d’un corps prêt à l’accueillir, à cheminer avec elle dans l’univers des signes, cependant chiffré, qui s’offre à lui, comme fleur qui éclot dans la multitude, qui offre sa durée. Non, cette solitude-là est bénie. C’est une solitude plus profonde, plus obscure, qui se présente : le caractère vain de l’acte. Non celui d’écrire, aussi heureux que la fabrication d’un feu, d’une journée assis près du feu à confectionner le tricot de l’enfant, mais celui qui grandit, cette illusion, le fantasme qu’un être de chair se présenterait, que cette apparition soudaine soulagerait bien des maux, des peines, dont celui de remettre l’objet de notre attention à l’enfant chéri, ou d’accroître, par un quelconque moyen, la possibilité du mouvement, comme si quelque chose d’inouï allait se produire, et nous écarter, un temps, du tombeau. Car en vérité, par un coup du sort dont il m’est difficile de découvrir les causes, naturelles, artificielles, rationnelles, de saisir le mécanisme caché, l’écrivain finit par se retrouver seul, malgré lui, devant son tombeau. Et derrière l’écrivain, il y a l’homme. Je me dois d’éclairer la pensée, qui somme toute paraît peu confortable dans la vision prochaine. Ce tombeau est un bac ouvert, de deux mètres par son quart, profond, aux dimensions du corps, qui s’ouvre à quelque distance du bureau, au moment l’acte, à mesure de sa progression. C’est un lent mécanisme qui échappe à la concentration, tant la concentration est pleine, et dont l’effet devient perceptible à mesure que le charme du travail se dissipe. Et de se retrouver seul en fin de compte, nez à nez, devant cette horreur. Et c’est là que l’angoisse, proportionnelle à l’acte réalisé, saisit l’hère. On a beau crier devant cette horreur, on est seul. J’aurai beau me révolter, le tombeau est ouvert. Et tous les êtres imaginaires que vous avez côtoyés, tous les êtres vous ayant accompagné, ne vous sont d’aucun secours. C’est le pouvoir des fables.

17.10.2015

Embarqués dans une galère, la même
passagers assis debout de dos de face
dans ce bus droit pas même courbe (pourquoi pas)
les géraniums s’en balancent.
Direction Nord, la vigne annonce la couleur
quelques feuilles éparses
mais les platanes sont malades ;
On se fait des politesses
À part baiser et combler l’angoisse, rien de neuf – heureusement
Le bébé s’en fout c’est le sein qui compte
petit coeur La fillette veut sa sucette
les mains s’accrochent le chien aboie
remue ça tangue on a traversé la Seine.
Dans la vitre près du conducteur
une femme debout de dos
le visage éclatant de la mort.

Le recueil L’Amorgos dans la revue Ce qui reste

[Ralentir travaux ] Heureux, fier, ému de l’accueil des fragments de L’Amorgos, recueil de poèmes, dans la très belle revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau. Un grand merci à ces passeurs de mondes et pour l’attention portée au travail de l’autre.

06.10.2015

Aujourd’hui, il ne se passe rien. Rien de plus que les jours suivants. Mes pas se dirigent vers – les mêmes lieux. Il se peut que les lieux aient disparu à force de les avoir arpentés, ou qu’il émane de ces lieux un charme sordide qui efface peu à peu la corporalité du promeneur. Le retrait que je garde au monde me montre les mêmes artefacts, une illusion géographique, ces routes, ces dates, ces rencontres. J’ai pensé à une dépression, mais c’est peut-être ça dans le mot vieillir. Je ne sais pas ce que l’homme souhaite au fond de lui. Mais je sais comme cela finit. Dans une chambre. Dans un lit. Et puis c’est terminé. Un corps nous soutient dans les épreuves, pour le plaisir des langues, l’échange des fluides, la décharge spontanée, l’épaule. La solitude est l’état inhérent de la société d’hommes à laquelle je suis lié, puis c’est l’effondrement, la chute dans l’obscurité sans écho. J’ai 38 ans. Je ne crois plus en rien. Je crois en la vie. Je crois dans ce qui se joue dans l’obscurité. Je crois en l’amour. Je crois. La vie me fait don du présent le plus délicat, le plus précieux, le plus je n’ai pas les mots. L’enfant. Il y a le reste aussi. Mais le reste corrobore la chute. J’admire le courage de ces gens que je vois passer. Je suis admiratif de l’abnégation, mais elle dépend du maître et je peux seulement constater la cruauté. Où vont les pas ? Cette question est à poser parce que les pas se manifestent, sans quoi j’aurai oublié. Ce n’est pas le ni oui ni non. C’est un non si tant est qu’un non puisse s’incarner dans une chair. C’est un mouvement vers. Cependant, je voudrais que l’abnégation fasse bloc. Je sais le désastre d’un tel mouvement. Je connais les risques. Mais les risques sont faibles au regard des gains. Je voudrais que l’abnégation fasse mur, je n’attends rien du reste. Ce sont des nuages à portée de mur. Le champ est limité. Je peux marcher entendant mon corps. Je peux, mais ça c’est en théorie. Mes soucis sont trop nombreux. Les soucis de charge. Ce que le passé nous transmet. Si bien que je compte sur l’éclaircie. Il en faut du courage. Il en faut de l’abnégation pour admettre que l’éclaircie se joue en soi. C’est le soi face à l’adversité qui nous précède. Et bien sûr ce lieu ouvert, c’est vers lui que mes pas se dirigent. Mais je ne me leurre pas. Ce lieu est un présent. Si seulement mes pas me conduisaient vers. Il ne sert à rien de vivre en théorie. Dès lors, il se forme un nouveau mur, qui en parallèle du suivant, forment un point dans le loin. Mes pas m’obligent une fois encore à bifurquer, et le labyrinthe se manifeste à nouveau, avec ce point en marque première. À défaut de le tarir, je m’enfonce à nouveau, espérant que l’ombre qui survient soit preuve de la lumière.

Structure et Concrétion, deux nouveaux récits en ligne

Structure et Concrétion sont les derniers récits présentés sur le site. Ils empruntent une même technique d’écriture, au dictaphone. Le dictaphone offre une grande liberté, celle l’oubli. La page est noire, c’est du carbone. On peut  produire différents travaux en même temps. L’avantage est que la machine enregistre le dernier point, et poursuit son travail sans réglages particuliers. Soi, rester concentré sur l’angle mort. C’est d’une grande souplesse. Structure est une courte nouvelle, Concrétion un récit. Tout est poreux.

12.09.2015

La tombée du soir
le parfum de ces roses emplit l’âme
quel parfum quel spectacle
au loin une cloche, une cloche qui tinte,
la cloche d’une église dont les contours
se noient dans la lumière lointaine
du village
Cela forme une butte, tandis que la parfum des roses emplit la nuit
c’est un parfum sucré, et discret
que les contours d’un grillon accompagnent,
ouvrant les alvéoles pulmonaires un peu plus qu’elles ne l’étaient
laissant entrer la nuit, plus loin
tandis que le coeur bat, à l’unisson de l’instant,
du présent
Des années me séparent de ce poème
comme je m’exerçais à savoir comment
le parfum de ces roses jaunes pouvait être restitué
au son de la cloche lointaine
Pourtant, l’instant n’a pas changé
et je remercie le poème
de m’avoir déposé à nouveau dans cette soirée.

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