Il n’y a pas d’échappatoire puisque Poésie est
Il n’y a pas d’autre monde que celui qui se présente
chaque fois que l’homme ouvre les yeux
le saluent
Parfois il faudrait une allumette pour se rappeler
Ou une amulette qui se mettrait à crisser chaque fois que les volets se ferment pour nous désigner la transparence.
Mais à présent, tout me conduit en Lui : monde à l’état brut, sauvage, terriblement familier,
où chaque détail révèle sa nature, sa présence
Dans le parc où je me situe, les bancs sont des sculptures; des livres à ciel ouvert sur lesquels les passants ont posé leurs fesses,
Les pigeons, pourtant mièvres d’habitude, nous indiquent, par leur présence et leur vol, une direction, du moins une correspondance.
On voudrait croire à l’illumination, au surgissement synchrone de la pensée avec ce qui entoure, par le tintement des cloches
Mais la page se referme pour laisser le champ libre et vierge.
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Certaines paroles se diluent
le ciel est saturé
cela n’ôte rien de la mécanique perceptible, imperceptible des êtres
Au contraire, les lettres posées sur le monde semblent plus denses,
sans que les mots n’aient de sens
Puisque le livre est fermé, que ces personnages sont libres, que ses personnages errent parmi les vivants, et les vivants parmi les morts, et les vivants parmi les personnages de fiction, comment trouver l’issue, et la fuite : le point de perspective qui redonnerait au décor sa dimension première, sa dimension narrative, sa dimension de papier, pages qu’on ouvre et qu’on ferme, qu’on livre et qu’on ferme. Ainsi, le narrateur, pour la première fois, ferait le pari de sa fiction, au risque de ne plus paraître parmi ses contemporains.
Les deux portes-fenêtres l’une ouverte, l’autre fermée
le soleil inonde la pièce comme j’ouvre un oeil
et lui redonne son exact volume,
volume de belle espérance
d’un à venir déjà clos dans le présent
redonnant au présent son entier volume.
J’ouvre les yeux et je souris de cette espérance
comme si toute l’épaisseur avait été lavée
et que je retrouvai mes yeux d’enfant dans un corps nettoyé et lavé.
Ces sales caractères, difficile de les effacer, de les dépasser, de les déplacer. Et rage et rajoutez-en : il n’est pas plus facile de couper le fil. Tout vous plombe. En chaque pore, ça s’accroche. Rien ne sert de tirer, ça s’accroche. Et l’arme descend lentement. Il faut être patient. Baver le moins, sortir les pinces (c’est une image bien sûr). Ne rien faire, patienter. Jeter l’ancre, comme on dit. Ne rien faire, patienter. Laisser venir. Se contorsionner. Laisser venir. Laisser venir, puis rendre tout noir. Laisser l’encre s’immiscer jusqu’à tout recouvrir. Attendre que la lucarne s’ouvre. Puis d’un bras leste, disparaître.
Discutez, discutons,
mais sait-on la qualité d’une conversation
à la qualité de ses silences.
Discutez, discutons.
Elle est intarissable : son débit, son flux, c’est un flot immense,
comme si le saumon remontait à la source.
Son partenaire rame un peu.
Moi, je suis sur le bord, sur la table à côté,
terrasse ouvert, nous sommes le 31 mai.
Je sais que tu es là.
Allées de marronniers ; lumière
Les enfants, les passants, passent
(et même les pigeons)
et même les marronniers dans la beauté du monde
Lumière et mouvent, lumière et mouvement
Ce “me” furtif m’émeut.
la poésie est un état
parfois des chemins s’ouvrent
n’écoute pas ceux qui parlent de poésie
mais lis ceux qui l’écrivent
il y a une différence entre feu et feu
certains s’enflamment,
parfois les chemins sont redoutables
mais on trouve toujours quelques pensées qui l’égaient de leurs couleurs
assemblées
et, un échafaudage, n’est pas non plus le signe de mauvaise santé
au contraire, c’est un manque d’attention qui préoccuperait
dans la brèche
les coquelicots ne disent rien
On finit par voir un soleil,
un soleil gigantesque dans un ciel dégagé
si tard sur la route que les corps n’ont plus d’ombre
Ainsi ce sera ma petite entreprise, le réel
à regarder les pigeons, marcher dans un square
à les observer – voler, atterrir
à regarder leurs mouvements de masse sur l’herbe du
square (ça vaut pas les vagues, certes)
parmi les hommes, assis sur les bancs, ou pas.
Ainsi ce sera ma petite entreprise,
parmi les hommes ou pas.
Je marche pour rester vivant. Je vais d’un point vers l’autre. Le monde se disloque; le monde est un terrain de jeu: sortir de ses frayeurs. Sans quoi, je finirais comme le monde, dans une cage à poules. Ce sont d’abord des cris, de révolte ou d’indignations. Ensuite c’est le silence. Puis la dislocation. La dislocation prend du temps. Personne ne se rend tout à fait compte. Même si une chose étrange traverse l’esprit, les corps, les villes, semble s’être posée, sans être visible, une chose que les gens traversent, puis contournent. Marchant dans la rue, on ne se rend pas compte. Pas plus que le soleil se souvient de nous. Non le soleil qui vous rôtit la peau, mais celui qui fraie à l’ombre, parmi les herbes que le fruit la fleur contiennent. Bien sûr, ce n’est pas évocateur. C’est comme une pomme, une tomate, une mandarine, ça se croque, c’est tout.
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