la légereté
du cerisier en fleurs,
un monde en fleurs
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Bon dieu, les représentations nous collent à la peau, collent aux murs. Dehors, c’est pas si méchant. Mais dedans, c’est étriqué. Pourtant il y a de la place partout, partout autour, autour des jambes. Et, si c’était elle ? Je n’ai pas vu son regard, ni ses yeux. Les gens entrent et sortent des rames. Elle s’est assise à côté de moi et de mon fils, sur le quai. Nous restons sur le quai. D’où viennent ces drôles d’intuition qui traversent les murs, creusent les corps, crèvent les coeurs ? Seulement voilà, je suis entre le dehors et le dedans. Nous allons rentrer. Il fait chaud dehors (moins 1° C). Nous allons rentrer en ramenant quelque chose du dehors ; du moins laisserait-on une lucarne près du coeur.
L’oeil est une paupière. J’ai plaisir à l’ouvrir quand je sors. Dieu, que c’est grand ! Le reste du temps, je vaque aux occupations de la pièce : ordonner, ranger, faire en sorte que les objets répondent au confort. Au confort, au grand fort. Mais une fois dehors, la pièce est loin. J’ai souvenir de vagues échos. Ici reste ici. Ici reste loin de la pièce et des environs. Il serait drôle de savoir où nous marchons, quand d’autres nous situent toujours ici, dans ce même décor. Si le diable se cache en chaque détail du monde sensible, visible, intelligible, sa farce reste flagrante. Après tout, qu’ici soit ici ou là, quelle importance ? Ici là ou ici ici restent plaisants. Ici ici est fort joyeux je trouve, ça n’empêche pas de s’interroger sur ici là, et de nommer cet ici là, absolument magique, n’est-ce pas ? Dieu, quel vertige ! je dois m’asseoir sur un banc. Je dois rentrer chez moi. Je dois fermer la paupière et ordonner la maison.
Le cerisier en fleurs
alentit les pas du passant
devenu fleur
Les fleurs, ça ne dit rien
Ça ne dit rien des fleurs qui m’ont fait dire « les fleurs »
Les fleurs
Elles sont de toutes les couleurs,
mais ça ne dit rien de leur couleur
Ce n’est pas tout à fait vrai :
elles sont dans les tons pastels
Quel est leur nom déjà, à quoi ressemblent-elles ?
Tout ceci ne dit rien des fleurs qui m’ont fait dire « les fleurs »
et qui font que je les regarde encore ;
et tout ceci de dit rien du vent qui fait bouger leurs pétales
et leur tige.
Tout ceci ne dit rien des fleurs que je regarde
Qui donc les a aimées ?
Qui donc les a plantées ?
Combien sont-elles au mètre carré ?
oh, c’est un grand mètre carré
au moins ça par ça que j’aurai étiré ;
Que n’ai-je point fait au coeur de l’hiver
de venir me substanter, comme d’autres de votre nectar,
moi de votre beauté.
09.01
Les enfants
Le spectacle
Les enfants
Faire des selfies avant la mort,
ou regarder le ciel.
Mon fils creuse le sable.
Ne plus être vraiment là :
l’esprit, les coups de trop ; mais hors soi.
Le monde est une épaisse couverture et les arbres du jardin seraient mes poils.
Le monde est une question de distance,
Mon fils m’apporte une pâquerette.
Il y a peut-être, toujours, ce désir renouvelé
de voir les choses
des prisons
nous nous infligeons des prisons,
certains se les infligent avec un grand jardin, d’autres avec un espace minuscule,
nous allons d’une prison à l’autre, en attendant la délivrance ,
si ça se trouve, nous pourrions nous retrouver circonscrits à un point
après la mort,
ou, enfermés dans le rien,
ce qui serait le comble de l’ironie.
Je suis nulle part entre le jour et la nuit
Je ne remarque pas cette inquiétude dans les yeux des passants
Je remarque des yeux tournés en soi ; pas la flamme blanche
parfois une lumière, parmi les gyrophares
parmi les lumières et les enseignes
Il est normal que les moineaux récoltent les miettes
le pain se fabrique à l’entrée du jour.
Un ou deux poèmes, pas plus
après tout c’est un bon salaire ;
Avec cette monnaie, on ne paiera rien, de matériel sur Terre
avez-vous essayé ?
Pourtant, un beau poème ravit autant qu’une bonne clémentine
Et mille fois le même poème dans mille mains font
mille clémentines dans mille autre mains ;
me voilà riche !
Me voilà riche d’un poème.
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