Je m’an . cre
Je m’enra . ce
Je veux
Je bran che
J’éclos
Je . clo . che
Je bran che
Je tou che
Je bran che
Je tou . che
Je . che
Tout est dans les
Je chut . e
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Ancré jusqu’au fond, sans autre choix. Les feuilles autour du parc sont en effet blanches. Et dedans, si je fouille vraiment, ce sont des prospectus. Même la boîte à livres est pleine de prospectus. Les uns emportent les prospectus que les autres ont rangés dans la boîte à livres plutôt que dans la poubelle. Je suis dedans. Je n’ai pas d’autres choix. Je n’ai pas l’espace pour écrire un poème. Au contraire, je m’enracine. Le parc semble être tombé de ces pages suspendues — nettement blanches. Les lettres ont disparu. Il reste un parc. Il reste un livre blanc, il reste le monde. Je m’enracine et je croîs. Je ne peux rien dire. Seule ma forme serait langage.
Parmi les corètes du Japon
Les moineaux en fleur
Font belle figure
L’homme marche pressé. Pressé par quoi ? Est-il amoureux ? Ça ne se voit pas. Ni sur son visage ni sur son cœur. Il est pressé. Il tient une vitre. Ses lèvres sont pressées sur la vitre, dirait-on ; ainsi que son corps, poussé par une force non visible, cependant intacte. Pressé par quelle demeure ? Quels fils autour de lui seraient tendus, pour le faire voltiger ? Pourtant cet homme ne se rend pas au travail. Il n’a pas non plus de pédigrée, ça se voit. Il n’est ni chirurgien-dentiste, ni fleuriste (les bouquets, ça presse). Par quoi cet homme serait-il pressé, préoccupé ? lui qui semble éloigné de tous soucis, de toutes contraintes (il marche vide). Plus il se presse, plus son visage est écrasé dans la vitre qu’il tient dans ses mains. On a mal pour lui. Par quel mystère cet écrasement procède-t-il ? Comme ce monsieur s’épuise et s’agace à vouloir s’écraser la joue, le nez, la langue, les dents dans la vitre, il fait de drôles de mouvements, de côté avec ses bras, de côté avec ses jambes, comme s’il tentait de contourner l’obstacle, ou de forcer cette vitre, qu’il tient fermement dans ses mains. J’ai mal pour lui. J’accours. Il s’enfuit. Je m’approche. Quoi, me répond-il. Je reprends. Mais enfin, me répond-il ! que me voulez-vous, fait-il, en ôtant ses bouchons d’oreille. C’est pas bientôt fini, hurle-t-il. J’en ai mal aux tympans. Vous n’entendez pas ? Il pose sa vitre. Vous n’entendez pas comme le monde autour de nous est calme ? — totalement silencieux. Moi, ce n’est pas que je fais la sourde oreille, mais j’ai mal aux oreilles. Je réponds oui, sans trop m’entendre. Malheureux, dit-il, vous n’entendez rien ! Sinon ah, sinon ah, vous brilleriez d’un autre éclat, d’un autre éclat dans vos yeux : ça se verrait. Et vos poumons se gonfleraient de joie, vous seriez comme un crapaud boldèque (c’est pour l’image, fait-il en roulant des yeux). Oui ! Et de la poussière jaillirait de vos doigts, de la poussière d’or, fait-il en levant les mains, en agitant les doigts. Ses ongles étaient tout sales. Je jardine, dit-il. Je fais pousser des patates, dit-il, d’un clin d’œil si appuyé que ses deux yeux se fermaient ensemble. Je compris que c’était peut-être sa manière légère à lui de battre les paupières. À présent j’y vais. J’y vais, j’ai fort à faire, dit-il en sus. Ce « fort à faire » me fit l’effet d’une bouteille. A la mer. Avec ses remous. Je fus pris d’un gros chagrin. Allons. Ses yeux s’ouvraient dans le loin. Il lécha ses mains, me les serra, remis son bouchon d’oreille, leva sa vitre et la porta à son reflet (vérifia les microrayures, souffla, souffla bien) et, furieusement s’écrasa le visage sa bouche son nez dessus et se remis en route, plus pressé que jamais.
3 mai 2019
Les lierres me sauvent. Déjà, rien qu’un livre. C’est la promesse d’une présence, d’un paysage, d’une narration, d’un corps. J’ai même glissé un livre dans un autre livre. À côté de mon lit, plutôt que de les entasser pêle-mêle sur l’étagère. Oui, un livre dans un autre livre. J’ouvre la page, il est un livre. J’ouvre l’autre page, il est un livre. Les soucis de demain sont à présent loin. Ils sont une page, deux lignes annotées, dans un livre quelconque.
La mer fait rouler
fait rouler les galets
au coeur au creux de l’oreille
les galets parlent au coeur
la mer cet enfant
vous saute dans les bras.
Derrière la vitre, un autre monde ; un autre monde luit.
Je suis allongé.
Pourtant, si j’ouvrais la vitre, pour m’y rendre,
je passerais de l’autre côté, dans le monde ancien ;
dans le monde ancien que mes pas arpentent chaque jour, chaque matin.
Il faudrait que cet autre monde entre chez moi ;
comme il entre à cet instant ;
autre monde, auquel j’appartiens, pleinement.
un papillon seul
bien seul dans le jardin
un papillon quand même
l’arbre de Judée
en fleur, brise le charme
des soucis sans fin
se libérer des dernières peurs
la peur est comme un poste-frontière, un douanier, une guérite
une illusion de flamme plus qu’une allumette, beaucoup plus que la lumière que nous connaissons,
mais qui par son illusion de flamme devient flamme, vous brûle les doigts (On se souvient de la douleur)
se libérer des dernières peurs
la vie n’est pas cette grille cochée dans la fenêtre, au feutre noir, qui finit par obstruer le passage de la lumière, du jour
jusqu’au mouvement : si le corps devient une allumette (le risque est grand).
se libérer des dernières peurs
objectivement tu as tout : Un corps, de l’eau, un coeur
il suffit d’oser batifoler dans la lumière – loin des tableaux, des représentations –
là où l’obscurité est la plus grande
ici, que pourrait-il t’arriver
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