Raphaël Dormoy

Littérature, écriture

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26.07.2020

Le livre est posé sur la table
Que dirais-je de plus ? Que puis-je dire de plus.
Le chemin est ardu.
À y voir de près, il se passe même de chemin.
Le livre est posé sur la table.
Les noix et les amandes sont posées dans l’écuelle.
Il me souvient un morceau de mon rêve.
Les noix et les amandes et l’écuelle.
Les noix et les coques de noix, l’écuelle et la coque.
Le livre est posé sur la table à côté de l’écuelle.
Que se passerait-il si le fil des cigales sautait ?
C’est une vieille machine à coudre, une Singer 191B,
et parfois le fil s’ôte ;
Bien mouiller le bout, l’enfoncer dans le chas.
Et, dois-je garder les tourterelles qui s’essaient sans effet ?
Et que faire de ce que la pensée laissera dans la nuit faute d’avoir su la toucher ?
Si j’enlevais le vent, si j’ôtais la cigale, si j’enlevais la mer, et si j’ôtais la colline,
et si j’ôtais la cloche du village, et si j’ôtais le reste, tout le reste, il resterait l’écuelle, l’écuelle en terre cuite, qui contient l’écuelle et la table, les noix et les amandes, le vent et les collines, la mer et les cigales, et tout ce qui m’invite à cet instant à me taire et me recueillir en elle.

27.07.2020

L’olivier regarde la colline  
Il se penche 
Les prêtresses du temps les cigales s’activent depuis le jour
qui prend fin ce soir.  
Ici chacun s’affaire
Même si le temps n’existe pas. 
Tous les jours ont été ôtés, te souviens-tu?  
Ici, rien ne fait rien.
Et si l’olivier porte encore son nom 
Est-ce peut-être en forme de troc avec celui qui regarde.  

 

24.07.2020

Le lourd débit, ici on n’entend rien.
Je m’accroche à la vie comme une algue. 
Accepter d’être cette eau ; de croître modestement.  
La chaise du penseur restera vide.
Parmi les guêpes, le chardonneret élégant est un lointain messager.
Et l’aune s’est fait un nom à même la roche. 
J’aimerais vivre un peu plus haut.  
Tous les hommes ont un destin de bête.
Tout en bas de l’échelle, les égorgeurs de rivières.
Tout en haut les papillons. 

 

22.07.2020

Où cloîtrer le temps ?
Entre les deux platanes ? entre leurs feuilles ?
Entre les mains du vieux monsieur qui passe et repasse.
Dans les gestes de la serveuse qui déplie les tables.
Dans les coups lointains de marteau-piqueur.
Dans les chants de cigales, qui font vibrer la place.  
Place ronde, mon regard saisit le temps.
Les poissons tournent dans le bassin,
Les voitures tournent autour de la place,
Et l’enfant soulève la poussière avec son aiguillon.

 

14.07.2020

Regarde. Arrête-toi. 
Respire. Il n’est personne autour de toi. 
Ou si peut-être : Lierre pourpre, berbéris des aïeux, cerisier de Sainte-Lucie, 
toutes ces plantes que tu nommes pour la première fois, que tu longes ici.
Ou si peut-être. Tous ses corps qui comme autrefois, mais tu l’avais oublié, marchent autour de toi,
animés de cette part non visible, o combien manifeste.   
Je vois ! J’avais oublié ! Je verrais ailleurs 
la tendresse de la matière, 
et tout ce que ma langue a tant de mal à saisir, cueillir, baiser,  
prise au piège le reste de l’espace et du temps de la lumière.   
Mais vois ce banc. Souviens-t’en.
Assieds-toi dans la nuit. 
Que le monde est exotique.  

Avec le songe d’Adèle

Cette nuit, je discutais avec le songe en lui expliquant mes difficultés à publier. La première était que le travail était si délicat qu’une écoute de travers risquait de tout corrompre. Et qu’ensuite, le travail n’avait plus besoin d’être publié, ne représentait pas l’état des matières à venir. Est-ce peut-être pour cela qu’il existe une table des matières dans les livres de bon usage ? Ensuite, je n’arrivais pas à dormir dans le rêve, car quelqu’un avait allumé une ampoule au-dessus de mon lit. Par ailleurs dans le rêve, il n’était pas possible de vivre dans la lumière, comme l’hôte, ses yeux de fillette, ne la supportait pas. J’avais dû avancer deux ou trois autres arguments au songe, sur l’orgueil et la vanité de publier, étant incapable de lui citer mon ami Pierre Drogi sur cette dernière pesée. Et que par conséquent, je n’étais pas en pouvoir de délivrer quoi que ce soit. Un peu comme un arbre auquel on commanderait de commander aux saisons, parce qu’il perd ses feuilles en automne et produit ses fruits en été.

(Vers le 15 juin, par là)

22.06.2020

Il y a quelque chose de merveilleux, 
un étonnement renouvelé à arpenter la Terre, 
Peut-être que le miracle de ce tout qui nous entoure,
de tout ce qui est, 
de ce qui me traverse,
tient-il dans cet étonnement ; 
Que tout est là, oui !
dans l’étonnement de la pierre à être pierre, 
dans l’étonnement de l’arbre à être arbre,
tandis que mes pas arpentent le sentier.  

 

14.06.2020

Tout va bien.
Est-ce la pointe du silence
sur la mer du rien ?
Peut-on nommer rien ce qui entoure ;
Où le verre n’est ni dehors, ni dedans
Mais posé sur la table.
On pourrait boire, mais le corps désaltéré peut le remplir à nouveau. 
Tout va bien. 
Les mots seraient au pire un glaçon 
quel autre usage, ici et maintenant ?
Les laisser fondre.  

 

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