Littérature, écriture

Catégorie : Madame Edmonde (Page 5 of 5)

04.03.2016

Il n’y a plus de place. Un point. Presque en transparence. Les deux termes se confondent quand on est dedans. L’espèce flotte. Plus exactement, elle dérive, dans le volume d’eau. Les ailes sont sans vie. Les corps semblent pétrifiés. Les yeux sont vitreux. C’est l’impact dans la vitre qui les fait bouger. Et le petit moteur qui oxygène l’eau. Éteindrait-on la lumière, l’allumerait-on, cela ne changerait rien ; rien. Leur bouche n’émet aucun son, mais produit une forme de grimace. C’est comique quand elles se touchent, car on constate derrière l’oeil, à travers la cornée, une agitation de matière noire, comme si ce contact ajoutait à l’horreur. Pourtant, elle n’a pas changé la lumière, et le peu de place qu’elle a au sein de l’espèce la magnifie plus encore.   

02.03.2016

Que veux-tu faire demain ? Certes, la petite facture. Mais encore ? Tu pourrais raccommoder les fils de ton cerf-volant. Mais il ne te porte plus guère aujourd’hui. (D’ailleurs, il serait temps de sortir la poubelle.) Mais au fait, demain c’est quand ? Il faudrait que je renverse le tiroir et tous les vieux objets qu’il contient : masques de soirée, cubes et cylindres en bois, de toutes les couleurs, un gant. Où ai-je mis demain ? Oui, demain je chercherai demain (il doit bien être quelque part !) et je le jetterai avec le reste.  

12.01.2016

Quand on sait que la poésie est cet élan vers, et que nous nous échinons tous à vouloir le mettre sur toile dans le cadre de l’époque, je me prends soudainement à rêver à elle, visiteuse de ce pauvre musée, qui verrait nos croûtes. Qu’adviendrait-il ? Un soupir ? une larme ? une émotion artistique ? Quelque chose qui soit formé du goût de l’époque, et de nos souffrances ? Trouverait-elle, portant ses mains à sa joue, une plaie de la taille d’un pouce ? La toile aurait-elle une magie pour la rendre captive ? Nul ne sait, mais tout l’amour d’un coeur sincère ne vaut pas sa présence. 

01.01.2016

Il ne se passera rien dans ma vie d’homme qui vaille d’être raconté. Mes nuits sont tristes, mes jours sont à pleurer. Sur la feuille, il n’est rien qui puisse être épinglé. J’ai hésité à ranger le matériel, à m’enfoncer dans le sommeil et le silence. C’est tout. Avec pour seule présence ces années passées et le silence. Et puis, je me suis dit que tous ces lecteurs avaient existé, mais qu’au fond, ils n’avaient jamais plus existé que ceux qui me font défaut aujourd’hui. Cependant, les fantômes déglingués existaient aujourd’hui, tout autant que ces lecteurs passés, et de fait, avaient pris le dessus dans mes jours sans vie, sans autre perspective que la présence de cet art qui me somme de me taire, et de contempler le désastre de ma vie vide. Finalement, celle vers quoi il me fallait tendre. Je contemplais néanmoins les lecteurs présents, non pas ceux vivaces du souvenir, mais celles et ceux qui restaient à mes côtés. Je vis mes ongles et je n’ai rien écrit, non pas par le désespoir d’un homme fatigué, mais par le fait de cette lumière, reconnaissable entre toutes, par laquelle peut advenir l’illusion d’un monde. 

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