La vie a quelque chose de silencieux et de profondément inquiétant. Autrefois, j’aimais me faire peur. Mais maintenant que la mémoire du passé a disparu, maintenant que cette mémoire n’est plus que souvenir, qu’il ne reste rien, plus rien que quatre meubles, la vie reprend ses droits, lentement, doucement. Mais j’ai vu, et je vois encore, ce lieu terrible : je ne veux pas le nommer gouffre, puisqu’il m’entoure. Entre ces murs, ma mémoire n’est plus qu’une toile sans attaches. L’angoisse d’une solitude où mémoire, histoire, altérité, où tout aurait disparu, tandis que le corps bascule et roule. Autour de moi, toutes mes figures tutélaires qui furent mon refuge s’éloignent aussi. Je suis seul. Je suis seul et je suis celui qui occupe le centre d’une figure absente. Le centre d’une figure sans bord. Le centre de rien. Je suis peut-être à l’extrême du monde, là où les lois de l’attraction cessent, là où le silence reprend sa forme. Mon besoin de l’autre est total. Mais quel autre ? L’humanité fourmille de nous-mêmes partout. L’habitude d’un autre permet-elle de rompre avec le vertige sacré. J’aspire au long silence d’études et de travail. Le bourdonnement de la mouche n’a pas changé.
Auteur/autrice : rd (Page 47 of 53)
Le passé est loin, l’avenir n’est pas et le présent
Qu’est ce ? Un banc sur lequel mes fesses,
– le présent s’efface
La légende dit : les anges soutiennent le monde.
A nouveau je suis à la frontière.
A la frontière, c’est l’homme sans Dieu
L’homme fait homme mais sans lien
Peut-être est-ce Dieu lui-même.
On a scié l’arbre
Et les pigeons dans leur vol ressemblent à
Des pierres tombales.
Mes illusions sont tombées
je ne sais pas si ça change quelque chose à la qualité de la lumière
mais je suis assis à l’angle des rues Daguerre et Lalande
et la femme qui passe devant moi
et je bois un verre de vin pétillant
et la femme qui passe devant moi
a beau avoir un gros ventre, elle est enceinte ?
A quoi sert-il de sentir
si tu ne sais
ni chanter ni écrire ni danser ni photographier ni peindre
ni rien faire
A quoi sert-il de sentir si tu ne sais rien faire
à part sourire
puis – j’ai perdu le fil
une fille est venue s’asseoir à côté de moi
elle m’a souri
Ce n’est pas grave d’avoir tout échoué
Et, je m’assois sur ce banc
je n’ai pas tout échoué, le soleil tient
d’ailleurs je me réchauffe
Les pauvres ont des petites joies
manger bien manger ils mettent du soleil dans leur repas
Un papillon le premier de l’année est venu saluer
ailes rouges, blanches, noires,
Jour de fête ! on ferait chanter les moineaux plus fort
mais ce serait par effet de style
Manger plus lentement, relever la tête,
les moineaux sont plus audibles.
O lumière
cela fait si longtemps que je n’avais pas souri
souri de voir ta lumière
je suis ébloui
Hélas mon poème ne saurait retenir la sensation
à cet instant sur ma peau, mais
je suis un homme heureux, et
ce souvenir vaut plus que mille autres
ô rayon
Je voudrais écrire
je voudrais écrire un poème d’amour,
mais mon fils est entre mes bras
Sa tête est collée à ma poitrine
et sa jambe est contre la mienne.
Je voudrais écrire un poème d’amour,
je l’entends respirer.
J’ai écrit tous les poèmes de la Terre,
Et mon coeur a brûlé
d’amour.
Ses pétales ressemblent aux feux de l’astre solaire
Il n’y a personne
sinon toi.
Nos lanternes brillent dans les ténèbres,
nous n’éclairons rien.
L’amour suffit.
Nommer, c’est reconnaître
J’ouvre la fenêtre
Le monde a-t-il vécu
L’esprit s’est-il consumé
au point de n’être plus
qu’un cerveau diaphane
Deux hémisphères cristallins
que la lumière du jour éclaire
Ashtray, disent les anciens.
Est-ce épreuve que celle à laquelle mon cerveau se livre
Mais qu’éprouve-t-on ? Et pour quel objet ?
Ici est une souffrance imperturbable
Pourquoi donc se rendre ailleurs.
Je puis peut-être espérer m’être transformé en fleur
pour éprouver la sensation de vertige
l’élévation coite, l’enracinement béat (si frêle pourtant) ;
Mais ici nulle couleur vraiment
Et puis je suis anima :
On soulèverait l’écho des montagnes pour les peupler encore.

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