Étrange, très étrange. J’ose à peine tourner la page, mais je suis bien incapable de tourner les talons. Il faut un sacré talent pour tenir ainsi, en haleine — quoique rien ne se passe, que les moutons paissent, et passent. Étrange, très étrange. Je me tiens sur la bordure. Tout comme mon lecteur, je regarde. Et que voyons-nous ? Une histoire sans queue ni tête néanmoins sue depuis longtemps par tous les pores. Des moutons, des moutons rebondissants. En veux-tu, en voilà. Des moutons, épais comme des moutons, qu’il est difficile de déloger de leur statut de mouton. Et d’ailleurs le mot n’est-il pas lui-même un mouton laineux, débarrassé de son trop plein de voyelles et de consommes ? Ainsi, nous nous trouvons malgré nous sur une aire de moutons, avec un chien, un border collie qui sorti de sa niche nous tourne autour. Ce chien nous tourne autour encore. Il suffit d’enjamber délicatement. Je n’avais jamais envisagé à quel point les mots épousaient la courbe molletonné du monde. Un bon roman mettrait-il un m en chaque mot ? Mais là n’est pas le propos vous comprendrez, en plus qu’il va être difficile de semer le chien, maintenant qu’il nous suit, qu’il ne nous lâche pas des yeux.
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