Raphaël Dormoy

Littérature, écriture

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05.05.2025

Je quitte ma lecture. Je ne peux l’empêcher. Assis dans le RER je lève les yeux. Je les ferme. Je lève les yeux. Le dire ne suffit pas. Mais le vertige est grand. Jubilatoire. J’en ai mal aux dents. Pourquoi oublierai-je ? Est-il une communauté du dire ? Ou moins ou mieux. Une communion. Chaque mot serait flamme. Comment arrive-t-on ici ? Entre deux moments, le lieu luit, n’a pas changé. Il est une évidence.

 

26.05.2025

C’est vrai,
J’avais oublié.
J’avais oublié.
La ponctuation à son importance.
Cela se joue ici, entre la lettre et la virgule, entre l’espace et la lettre, entre l’espace et le signe ; (peu loin) 
Entre la représentation de l’endroit et l’endroit, entre l’endroit et sa représentation ; aux marges de la trace, dans la trace elle-même : quand la boue creuse la flaque et la flaque le ciel.
Non que le ciel soit sous les yeux, mais c’est tout comme, sous la paupière (fermée), quand le nulle part apparait, malgré malgré.

 

26.01.2025

Le néant qui se manifeste à mesure. Paradoxalement, la disparition amène la beauté toute réelle. Pourrait-on dire qu’un mort est beau ? Un mort est froid. Le baiser que vous portez au front de l’être aimé saisit vos lèvres, vous glace tout entier si vous restez plus longtemps. Nous pourrions dire qu’un mort est beau en ce sens qu’il n’est pas mort, pour celui ou celle que nous aimons, que sa lumière subsiste, comme nous sommes aussi petite lumière parmi les vivants que nous reconnaissons. Non, je ne parle pas de cette disparition radicale, qui saisit au bord du : précipice/précipité, qui marque une rupture. Je parle je pars de cette agrégation de temps qui passe, qui dessaisit l’être de sa chair, de sa vitalité ; de celui qui fait l’expérience de sa, de sa perte ; eh bien, celles et ceux qui lui ressemblent, mais le précèdent, eh bien ceux-là pourtant lui paraissent, malgré la disparition de l’image, malgré l’effondrement de matière, et la perte d’usage, et bien ceux-là portent pour qui sait le reconnaître, ceux-là portent les gestes d’une innocence première, d’un visage  sorti du temps, non pas figé par celui-ci dans un souvenir lointain, mais d’un visage ayant gagné la porte du temps, qui vous regarde là où vous êtes, à vous battre contre la vague, contre l’embrun, contre la perte. Alors oui, les flots seront souventefois plus durs, mais là où nous allons, vers le point ou la constellation : quelle importance ?

 

10.01.2025

Tout ce qui va de soi ; ce qui rassure. Comme le langage.
Comme le lent gage de la personne qui, soufflant un peu, avant de s’asseoir, décroche son ; d’une manière naturelle, vieille de mille siècles ; décroche son : sac de l’épaule ; sa lanière ; l’ôte du pouce ; avant de, d’une manière naturelle qui dit : je peux ôter mon sac et m’asseoir ; d’un geste su ; je peux ôter mon sac de l’épaule et m’asseoir ; dans le siège, dans le siècle ; m’y balancer, souffler un peu, fermer les yeux.
Tout ce qui va de soi, et qui rassure. Dans le TER, les voyageurs sont assis, à lire, tousser, à pianoter sur le portable. Cela ne va pas de soi de se retrouver là ; cela peut être drôle. Mais la terreur ? Le vertige qui sépare la représentation, de l’endroit.
D’où la nécessité de s’occuper, de manger des chips, de frapper son gamin avec ses paroles, de scroller sans cesse. C’est dur.
Alors cette lanière que le voyageur peut : ôter du pouce, dans un geste : convenu, cette lanière que le voyageur peut quitter ; cette lanière qui rassure.
Tout ce qui va de soi et qui rassure. Jusqu’à la corporalité elle-même, à double tranchant : monstrueuse et nécessaire.
Comme la question : irréductible.

 

03.02.2025

Je suis enfermé dans le cauchemar des jours. Je suis prisonnier du corps. À moins que le corps soit prisonnier de moi ; vasque ouverte sur le monde. Je n’ai pas vraiment choisi d’être ici ni aujourd’hui. Et toute l’information traitée, autour de moi, fait peu pour mon confort. Être sur une île déserte ajouterait à mon désarroi. Je laisse passer à travers mes yeux, deux vifs sourires sauvages et timides. D’un noir précieux. Il faudrait imaginer le corps comme une caverne, comme un abri, habité par deux félins, toujours libres de la quitter, ici et maintenant pour la grande aventure.

 

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