Raphaël Dormoy

Littérature, écriture

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08.09.2022

Je ne pourrai plus rien écrire je pense, à moins de tout, radicalement changer.
Je ne pourrai plus rien écrire je pense à moins de tout changer radicalement.
Ce n’est plus une question de sens, ni de situation,
De conforter le néant ou le réel,
le nez en l’air, ou le corps dans la pagaie (gai savoir, va)
Non là est plus profond.
Un l’un dit : « une forme particulière qui épouse la matière. »
Fini les rêves aussi, la transcription au réveil, ou la plongée dans la nuit, la forme ou l’abime,
le genre aussi, même si l’oiseau (compagnon reste fidèle) aux choses.
Le mot : comme continuité de la matière.

(Selon une condamnation au non silence.)

Note, 08.08.2022

21.02.2023

Il y a, à cet instant, de vide, un extérieur qui m’oppresse. Non pas l’extérieur, mais la banale réalité des jours à venir. Non pas la banalité des jours à venir, mais ce à quoi, si vous êtes normalement constitué, c’est-à-dire de joie et de silence intérieur vous tenteriez d’échapper : Une tapisserie dont l’être s’est affublé aux limites même d’un ailleurs pour tenter de constituer un soi, un soi raisonnable, afin de traverser la vie. La vie, moins direction que charges, que charges d’âmes dont l’équipage doit prendre soin. Cet extérieur vient taper au centre de l’ici alors que je réussissais à m’extraire. Mais il reste ce centre, et je le vois, à cet instant je le ressens, comme un foyer vivant. Une poche de respiration d’où tout peut repartir. J’en mesure la hauteur et la profondeur pour être sûr de ne pas l’oublier. Ici la maison fait ses propres bruits. Le temps sort de l’horloge, de son corps mécanique, et le paysage doit être tu. Mais je ne manque pas de constater, dans la baie, le vol d’oiseaux, une dizaine, des palombes dans le ciel blanc, groupées, avec une forme fantasque d’un caractère en devenir. Et à quelques doigts du regard, sur la paille, les petits signes – moineaux, mésanges – de ponctuation, sauvages. Enfin c’est peut-être se souvenir qu’à l’endroit du vide, on peut ôter une lettre sans rien céder. On peut supprimer sans rien céder.

06.03.2023

Ce même lieu il pourrait tout arriver, bien sûr. Mais les personnages se déplacent déjà dans une fiction. Je regarde : je ne trouve pas les mots. Il y a le merveilleux certes. Mais il y a les voix aussi dans la station de métro qui me ramènent à la fiction des lieux, des personnages. Les livres seraient-ils des bougies, dans cet univers, contraint par ses peintures pariétales, elles sont fragiles. Elles n’ont pas fini de se consumer qu’elles sont déjà éteintes, dans le meilleur des cas, laissant de nouveau apparaître la grotte et ses peintures. Je suis trop sombre, je ne devrais pas. Le retard de mon train, ou plutôt l’accident de ce matin, m’a permis de – changer de ligne. Et tant bien même je serais maintenant perdu, tant bien même le chemin suivrait celui de l’intuition et non celui des pas vers lequel le regard pointe, j’ai appris à me repérer. Je sais avancer sans voir. Je veux dire sans voir dans ce monde saisi. Alors oui, cette nouvelle ligne à présent, alors oui me conduit elle, est-elle censée me conduire, au même endroit, celui de mon travail, comprenez que l’excitation soit forte ! Et si j’avais, est-ce la bonne phrase, et si j’avais trouvé – un minuscule caillou. Mais un caillou bien à moi que je puisse saisir. Un caillou de la dimension d’une montagne. Je ne veux pas aller plus loin. Cela me suffit. J’aurai loisir de le saisir, de la contempler. J’aurai gagné ma journée. Je serai déjà sauvé. Dans la dignité. Que fait la dignité d’être humain ? je me pose la question. Je me pose la question à la lumière des fleurs dans le talus, à la lumière d’une narcisse qui brille de mille éclats au milieu d’un amas. Je me pose la question à la lumière de l’arbre qui se déploie. Cette dignité, dans quoi serait-elle contenue, demande-t-il ? Pour faire soi aussi partie de la ronde des vies.

09.02.2023

Le soleil entre jusqu’au rêve
Corps conscience, écuelle,
Tous les chiffons de la veille baignent encore,
tandis que le corps a repris le chemin du jour.
Trains en retard, lignes se défaussent ; qu’y pouvons-nous ?
Le soleil dans la vitre rêve-t-il parfois,
Se prend-il pour une étoile, lointaine,
tandis que partout les hommes ont réveillé le jour
Ont secoué ses puces.

 

02.02.2023

C’est le même, vingt ans après dans le miroir
Le même : la même posture Ce jeune homme refait surface Avec Ses mêmes
questions ses mêmes ouvertures
Quoi le ressuscite ?
Peut-être une posture
Le manteau n’est plus le même mais la présence des manches de ce manteau ancien est plus réelle sur sa peau que celui qu’il porte, que le corps du train, ou celui de la plaine.
Le reflet de la vitre ne renvoie rien de son visage ; il est le paysage du matin, hivernal, avec ses arbres nus, ces murs en meulière, ces fils qui longe la vie.
Le reflet de la vitre du train ne renvoie rien de son visage si ce n’est un fin croissant : de lune, de paysage.
Ce jeune homme est le même.
Rien n’a changé

27.01.2023

Que reste,
Quel reste ?
Le jour pointe.
: Une interrogation ?
Mais une interrogation douce sans question
aucune.
Une exclamation, mais une exclamation
        en deçà de la langue.
Deux points : ouverts comme un oeil — neuf
de trois jours sans langage
Une virgule, parce qu’il en faut des virgules
Vent, épis, et vient le point (,)
parce que tout recommence.
Il resterait : deux points, une virgule dans les mains 
Cette exclamation sous la langue
Et cette interrogation sans question.
Le jour pointe.

15.01.2023

Sans se rendre
Sans rendre
Sans se rendre compte
Sans rendre des comptes
La matière jour pose ses feuilles sur le socle du temps
Et les yeux d’aujourd’hui ne sont plus tout à fait
les yeux de demain.
Plusieurs vies se succèdent, l’homme d’hier
n’est plus l’homme du jour.
Pourtant, l’enfant demeure.
Combien de barreaux tiennent-ils à l’échelle,
Combien de vivants souvenirs ?
Un pas de plus, un pas encore.

 

10.01.2023

Venu pour le spectacle.
Les incidents de parcours sont nombreux.
Les volets ne s’ouvrent pas.
Pourtant en chaque instant il est cette possibilité
d’un autre lieu d’un autre paysage,
C’est toujours un événement.
Mais ici le spectacle est déjà rangé : la lumière inonde la scène.
Ici, il fait nuit.
Pourtant en chaque instant la vie est une promesse d’aube.
La vie serait en colimaçon,
Chaque fenêtre resterait close, la suivante attend —
Attention à la marche.

 

05.01.2023

Bien, saluer la foule et la beauté,
Mais de quelle manière ?
Allons voir : je produis “l’état de grâce”…
Certes à présent il n’est plus rien à comprendre, et la beauté transmuée en mystère se tait. Nous sommes sauvés.
Mais ouvrons les yeux : et regardons la situation bien en face des trous
Et, à quoi faire, coiffeur, que dire ?
Construire des ponts, d’une rive à, d’une rive, l’autre ?
Se laisser amadouer une fois encore par l’étoffe d’une femme ?
Avoir la nostalgie des petits riens, – des vivants souvenirs ?
Et si tout ceci n’est plus que lettres, que lointain souvenir, enfouissons-les à nouveau et réarmons le silence.
Et finalement, remercier.

 

28.12.2022

Ecrire peu. Crire peu. Rire beaucoup. Mais de quel rire ? Compter les étoiles. Contempler les distances entre elles. À travers les paupières closes. Je vois le ciel d’étoiles. Je les vois, malgré les murs les villes (, les âges ?). N’est-ce pas notre condition première, ce don de voir ? Nous sommes grands. Et les mots formeraient des éboulis, ou des pierres si l’on retranche l’esprit.

 

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