En quittant la pièce, j’ai posé mon regard sur la plante, dans la cuisine, et celle du salon puisque les âmes communiquent. À présent je m’en vais trouver le livre d’un poète, pour un ami que je verrai bientôt, tandis que le poète n’est plus, mais son oeuvre demeure. Nous partons tous d’un lieu. Nous parlons, nous partons, ou peut être avons-nous déjà quitté ce lieu. Nous parlons, nous partons, et nous échouons d’un lieu, doit-on le savoir et l’accepter, avant de faire et de défaire, à partir duquel iriser, se taire. Le miroir de la vie nous renvoie au même point ; triste parfois, mais nous le savons un point peut en cacher un autre. Et, sans lumière, le mouvement finirait par manquer à moins que l’obscurité nous plonge au plus profond de notre être. Aussi j’ai laissé la porte entrouverte et j’ai pris soin des plantes, de leur place de la lumière. A besoin d’eau ;
Il se produirait un accident, le poème telle une fleur ; pas plus d’un émerveillement.
Souvent la contrainte d’écrire est entravée par tout un poids qu’exercent d’obscures pressions, par la banalité d’obscures présences, mais, oui ce mais, suffit-il d’un rai, d’une infime libération, d’une virgule pour que la machine toute puissante de la vie, pour que la machine toute puissante d’écrire se remette en selle.
Mouvement horizontal, vertical, à partir duquel l’irisation se fait.
Alors le point était cette double espérance : d’un mouvement par la fin, et du poème futur.
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Je ne pourrai plus rien écrire je pense, à moins de tout, radicalement changer.
Je ne pourrai plus rien écrire je pense à moins de tout changer radicalement.
Ce n’est plus une question de sens, ni de situation,
De conforter le néant ou le réel,
le nez en l’air, ou le corps dans la pagaie (gai savoir, va)
Non là est plus profond.
Un l’un dit : « une forme particulière qui épouse la matière. »
Fini les rêves aussi, la transcription au réveil, ou la plongée dans la nuit, la forme ou l’abime,
le genre aussi, même si l’oiseau (compagnon reste fidèle) aux choses.
Le mot : comme continuité de la matière.
(Selon une condamnation au non silence.)
Note, 08.08.2022
Il y a, à cet instant, de vide, un extérieur qui m’oppresse. Non pas l’extérieur, mais la banale réalité des jours à venir. Non pas la banalité des jours à venir, mais ce à quoi, si vous êtes normalement constitué, c’est-à-dire de joie et de silence intérieur vous tenteriez d’échapper : Une tapisserie dont l’être s’est affublé aux limites même d’un ailleurs pour tenter de constituer un soi, un soi raisonnable, afin de traverser la vie. La vie, moins direction que charges, que charges d’âmes dont l’équipage doit prendre soin. Cet extérieur vient taper au centre de l’ici alors que je réussissais à m’extraire. Mais il reste ce centre, et je le vois, à cet instant je le ressens, comme un foyer vivant. Une poche de respiration d’où tout peut repartir. J’en mesure la hauteur et la profondeur pour être sûr de ne pas l’oublier. Ici la maison fait ses propres bruits. Le temps sort de l’horloge, de son corps mécanique, et le paysage doit être tu. Mais je ne manque pas de constater, dans la baie, le vol d’oiseaux, une dizaine, des palombes dans le ciel blanc, groupées, avec une forme fantasque d’un caractère en devenir. Et à quelques doigts du regard, sur la paille, les petits signes – moineaux, mésanges – de ponctuation, sauvages. Enfin c’est peut-être se souvenir qu’à l’endroit du vide, on peut ôter une lettre sans rien céder. On peut supprimer sans rien céder.
Ce même lieu il pourrait tout arriver, bien sûr. Mais les personnages se déplacent déjà dans une fiction. Je regarde : je ne trouve pas les mots. Il y a le merveilleux certes. Mais il y a les voix aussi dans la station de métro qui me ramènent à la fiction des lieux, des personnages. Les livres seraient-ils des bougies, dans cet univers, contraint par ses peintures pariétales, elles sont fragiles. Elles n’ont pas fini de se consumer qu’elles sont déjà éteintes, dans le meilleur des cas, laissant de nouveau apparaître la grotte et ses peintures. Je suis trop sombre, je ne devrais pas. Le retard de mon train, ou plutôt l’accident de ce matin, m’a permis de – changer de ligne. Et tant bien même je serais maintenant perdu, tant bien même le chemin suivrait celui de l’intuition et non celui des pas vers lequel le regard pointe, j’ai appris à me repérer. Je sais avancer sans voir. Je veux dire sans voir dans ce monde saisi. Alors oui, cette nouvelle ligne à présent, alors oui me conduit elle, est-elle censée me conduire, au même endroit, celui de mon travail, comprenez que l’excitation soit forte ! Et si j’avais, est-ce la bonne phrase, et si j’avais trouvé – un minuscule caillou. Mais un caillou bien à moi que je puisse saisir. Un caillou de la dimension d’une montagne. Je ne veux pas aller plus loin. Cela me suffit. J’aurai loisir de le saisir, de la contempler. J’aurai gagné ma journée. Je serai déjà sauvé. Dans la dignité. Que fait la dignité d’être humain ? je me pose la question. Je me pose la question à la lumière des fleurs dans le talus, à la lumière d’une narcisse qui brille de mille éclats au milieu d’un amas. Je me pose la question à la lumière de l’arbre qui se déploie. Cette dignité, dans quoi serait-elle contenue, demande-t-il ? Pour faire soi aussi partie de la ronde des vies.
Mon corps commence à me lâcher
Je vois mal, mais je vois plus mal qu’avant.
Comme des microfissures sur un papier de soie
Je sens aussi être plus seul qu’autrefois, mais pas de cette solitude voulue, recherchée, arrachée au bruit de l’époque
Je suis seul
Je vieillis
C’est aussi évasé que la partie haute d’un vase, ouverte aux volumes des lieux, de la pièce
J’accueille les conversations alentour, mots échangés entre inconnus entre familiers sur le quai de gare
Les petits culs sont les bourgeons du printemps
Il y a aussi des sauterelles, élancées, affamées de vie.
La vie, quel usage en faire ? Quelle lumière ?
Assurément, celle du désir, celle des heures brûlées pour être brûlées.
Autrefois ma naïveté me protégeait de cet effroi
celui d’entendre mon voisin de table discuter du prix effarant du concombre
Ou des taux d’intérêt d’une assurance-vie, dit ma bouche
Je pouvais en faire quelque chose, un poème, une idée légère qui se dissipait aussitôt
Mais avoir les yeux presque éteints, le regard terne, accomplir la destinée d’un avire (autant lui enlever sa lettre) devenu épave, et aller au milieu de la mer, sans horizon sans équipage, rien ne m’avait préparé à cela.
Le reflet finit par dessiner dans la vitre une image nette et la rouille a envahi tout le portrait,
Le visage est une faible mémoire.
Je rêverai d’un banc en bord de mer
Échouer là. Sans mémoire.
Les poissons se cachent-ils pour pleurer ?
Pour qui comptons-nous vraiment ?
Et quoi seraient-ils prêts à retirer de leur vie ceux pour qui nous comptons.
Dites-le moi.
Il est tard. La réponse ne fut jamais claire.
C’est aussi peu réjouissant que d’attendre un coucher de soleil devant un mur.
Couler avec grâce ou à défaut et de sagesse,
Incarner la grâce du phénomène.
Ecrire peu. Crire peu. Rire beaucoup. Mais de quel rire ? Compter les étoiles. Contempler les distances entre elles. À travers les paupières closes. Je vois le ciel d’étoiles. Je les vois, malgré les murs les villes (, les âges ?). N’est-ce pas notre condition première, ce don de voir ? Nous sommes grands. Et les mots formeraient des éboulis, ou des pierres si l’on retranche l’esprit.
Quand une personne s’assoit près de vous il arrive que
Il arrive que
les yeux peuvent rester fermés vous ressentez
sa présence
Un fluide vous traverse le corps, du côté
où la personne est assise, près de vous,
de la cheville jusqu’à la nuque
Et son rire est comme un éclat d’étoile qui vous chatouille l’oreille.
Vous pourriez vous sentir gêné de rester là
assis sans paroles
mais vos corps semblent se connaitre.
Le soleil fait une boule dans le ciel blanc
et dans le ventre.
Je me suis levé, nous nous sommes dits Au revoir
Elle avait un manteau rose dans le ciel blanc,
Et deux mirabelles.
Nous sommes de passage,
À quoi bon s’alléger, ou se lourdir ?
Se glisser entre les mots,
Mille sphères, volumes sans poids, jusqu’à.
Et tous ces êtres chers.
Nous sommes être parmi des êtres, fils de relation.
Quoi se glisserait entre nous ?
Paysage familier de gare ce matin encor.
Parfois juste la page suffit. Son contact de chair ou plus exactement sa présence. RIen ne pourrait être ajouté. Ou peut-être l’évocation de sa présence à l’orée du sommeil. Comme une page ouverte et blanche. On vous pencherait. On vous penserait riche. C’est le signe de la félicité.
L’effroi survient quand j’ouvre les yeux. Non la paupière, les yeux. Je suis dans le métro, dans le wagon, dans la rame. Ne devrais-je pas dire l’arame ? Je suis dans l’arame tandis qu’une voix enregistrée débite des noms de stations qui me font croire que je suis dans la rame. Mais quand je suis dans l’arame, je découvre être parmi des hommes qui comme moi se dirigent vers une station inconnue, parfaitement sue. C’est un cauchemar. Car je découvre alors être entouré d’hommes. Pas un mot. Croisons les doigts. Qu’ils n’aient pas vu que j’ai vu. Est-ce contagieux ? J’ose à peine regarder mon reflet, mais je sens bien qu’un autre sommeille en lui, que dis-je qu’il regarde lui-aussi le monde d’un oeil morne, triste et froid. Que son épiderme laisserait paraître une cuticule épaisse, reptilienne. Qu’il vous croquerait le portrait avant de l’avoir esquissé. Ah damned ! Un lac, vite un lac ; d’un ample pas souple, que je puisse rejoindre les miens.
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