Littérature, écriture

Catégorie : Journal (Page 1 of 11)

05.09.2024

Regarder la pluie. J’ai cette chance, aujourd’hui. Regarder la pluie. Et l’entendre. L’entendre. On la voit mieux tomber devant l’arbre. Un pin fait de ces traits penchés, de quelques degrés par rapport à la verticalité du ciel. Et les gouttes, suspendues au bord de mon balcon, à des feuilles. J’ai cette chance ; voir la pluie tomber. Avoir le loisir d’avoir ce temps, pour la contempler. Et l’entendre. Être hors du monde et l’entendre. Le volume se baisse, le ciel s’éclaircit, mais on voit toujours les traits penchés, plus fins sur le pin. Réussir soi, cette fois-ci à faire une de soi une goutte – goutte suspendue de soi – tandis que le temps coule, que les roues des voitures laissent entendre l’adhérence pressée de leurs passagers, que les sirènes vont d’un bout à l’autre de la ville, comme les habitants du ciel.
Être cette goutte : suspendue.

01.08.2024

L’habitude, c’est de finir par se sentir chez soi dans des lieux d’habitudes : pour moi, une gare (cette gare), un bureau (mon bureau), des arbres en bord de Seine (le paysage à la fenêtre). Alors pour celui qui se sent chez lui dans un lieu neuf, ou qui se sent très chez lui dans le nulle part (, mais ici, dans cette cette gare), il est une sorte de tendresse à poser ce même regard dans un lieu d’habitudes, à reconnaitre ce lieu dans toute son étrangeté, et sa familiarité, et à profiter de ce voyage, de ce petit écart, assis sur le quai, dans l’attente du train qui ne vient pas.

19.08.2024

Faire un selfie avec mon téléphone, même médiocre, me rappelle que je suis vivant. Je n’ai pas besoin de ce portrait pour savoir que je le suis. Mais il donne une image. Il s’agit moins de l’image que de l’acte lui-même, d’abord l’image puis rétroactivement le geste qui conduit à l’image. Ce geste n’est-il pas la somme des humains qui sur Terre chaque jour prennent un selfie ? Mon geste est dérisoire. Vaut-il plus qu’un portrait devant la Tour Eiffel ? Un portrait sur un lit d’hôpital, dans la lumière crue de la chambre, le visage pâlot. Ouvrons les volets. Rusons face au néant, tantôt d’une photographie, tantôt de notre disparition : laissons la lumière entrer.

04.10.2024

Ainsi on se souvient des paramètres du bord
Température, lumi- ; saison, date ;
Sensation (et pourquoi pas Impressions) ; et ce qui (camion de pompier, journal, pigeon) roule ou qui
Point fixe (textures matières)
Mais surtout il y a ce banc ; et le capitaine posé sur le banc
Et Il est une grande fixité : Où allons nous ?
Et la question a-t-elle (en cor) un sens ?
Ici, tous les moyens de transport : avion, train, montgolfière Seraient exposés
Hauteur – clair horizon,
Vitesse – sifflante joyeuse,
Lenteur – élévation ;
Pour revenir, il suffit de mettre aux noms aux choses délicatement une date
Vêtir le platane de son habit de platane,
Dévêtir ce banc ;
Dévêtir les passants de leur force sauvage,
Revenir atterrir dans le monde des intentions premières.

29.09.2024

La question de la page. Des années ont passé ; c’est toujours la même question, interrogation. Par question, il faudrait peut-être entendre cette paupière — où est-elle située —  qui s’ouvre sur la surface blanche — comme horizon du coeur ; comme lieu d’une intériorité qui se courbe à cet instant de m’y convoquer. Un messager sans message. J’ai souvent espéré ramener ici, et mon dieu c’est ici, le trésor sous mes yeux, mais peut-être est-il trop lourd, peut-être écrire c’est apprendre à danser, avec plus de poids qu’aucun âne ne saurait tirer. Mais quand j’ouvre les yeux, je comprends que cet ici se présente, et qu’écrire et vivre sont deux inséparables. Le monde sourit dans sa farce totale. 
J’ai tenu la page.  

28.07.2024

Mon rêve serait d’avoir une heure comme un tiroir. Une heure parmi les heures du jour. Mais une heure qui serait un tiroir qui échapperait au jour lui-même. Un tiroir magique, en ce sens que le jour, les événements du jour, n’auraient nulle emprise sur lui ; qu’il passerait inaperçu. J’ai regardé l’extrait d’un reportage d’un chauffeur routier qui dépensait tout son salaire en prostitués en Espagne. Il faisait la route des bordels, et que dans chaque bordel il ouvrait une porte, deux portes, trois portes, l’une après l’autre, le même mouvement de queue, la même enseigne, la même joie. Mais mon tiroir ne ressemble pas à cette joie. Puisque c’est un tiroir Ailleurs. Il serait un métier à tisser qui ferait un ouvrage, dont le principe ferait que je reprendrais cet ouvrage à l’endroit laissé, et je le continuerais sans me perdre, sans m’emmêler les doigts ni le fil. Mais qu’il suivrait un patron, parfaitement solide, qui échapperait à la conscience des jours. Une heure creuse, creusée dans la roche, qui vérifierait les ruisseaux et le pli de la montagne. Une heure creuse qui contiendrait cette fois-ci tout le merveilleux et la densité consciente de l’être. Un ouvrage qui n’aurait pourtant pas d’histoire à raconter, mais qui serait faite d’une aventure, mais une aventure faite d’un fil d’or. Un ouvrage que je pourrais reprendre à n’importe quel moment du jour, de l’éveil ou du sommeil. Un ouvrage qui gonflerait à mesure de son avancée, comme une immense toile. Un ouvrage qu’il ne serait pas possible de finir au prix de perdre soi-même, sa boussole et la lisière. Il ne pourrait pas être un ouvrage d’une folle ambition, sans quoi l’aventure échouerait dès la première ligne, dès le premier mot. Un ouvrage humble, à portée d’une phrase dans laquelle le lecteur pourrait se glisser en toute confiance malgré le vide sous elle, malgré le vertige. Un ouvrage dans lequel le lecteur pourrait avancer aveuglément sans avoir peur de perdre son âme ou son temps. Un ouvrage qui n’ôte pas l’espace aux autres vivants, mais qui les tiennent à portée de main. Un ouvrage qui garderait sa flamme quel que soit l’instant du jour, ou de la nuit à laquelle il serait repris, qui ne vous rendrait jamais seul malgré l’épreuve du recueillement. Un ouvrage qui serait lu ou pas lu, mais qui tiendrait cette place à part, à côté du cœur.

 

15.07.2024

Je suis passé de l’autre côté. Je passe de l’autre côté. Je passe. J’y suis. J’oublie trop souvent que cet autre côté est ici ; ici même. Que l’antichambre des rêves est dans cette pièce. Qu’elle est là, le jour durant. Qu’il suffirait de le savoir. Bientôt, je basculerai de l’autre côté, je veux dire dans l’espace du sommeil tandis que les rêves sont déjà là, comme une flamme sous les yeux, comme le poisson qui nage tranquillement dans l’aquarium. On aura peut-être oublié le poisson au réveil, mais pas les nombreuses clés qui restaient là, et accrochées sur la porte des vestiaires. La littérature est un encouragement à sortir de la voie, à suivre la sienne.

 

11.07.2024

L’espace sauvage entre à nouveau.
Il suffit d’un peu de vert dans le verre train. 
La verdure est dedans
puisque le verre est dedans,
puisque toute la scène est dedans avec la Seine en sus, elle-aussi devenue sauvage.
Pourquoi dirais-je « devenue » et non « redevenue sauvage » : puisque l’état ne va jamais de soi, est instable, est la partie merveilleuse du miroir quand il se tourne montrant sa cache avant qu’il ne revienne à son état d’équilibre.
J’écris « revienne » et non « vienne »,
Dans cet ouvert encore où vers
Un instant.

 

09.06.2024

Le mystère du monde pourrait reparaître ;
Il suffit de s’asseoir
Il suffit de s’asseoir
Sur le banc, le second mouvement ne va pas de soi ;
Le personnage est de glaise,
Ouvre à peine l’œil qui se referme.
Mais il sait reconnaître aujourd’hui le chant de la fauvette noire :
Cela se voit à la forme de sourire qui se dessine sur sa tête, tandis que son œil s’ouvre à nouveau avant de disparaître ;
Le chant de la fauvette noire, il fait comme le saltimbanque qui trouverait appui sur l’une et l’autre échasse, pour y grimper, s’y élever jusqu’à hauteur de ciel.
Mais lui le personnage de glaise, qu’y comprendrait-il ? Quelle métaphore filerait-il?
Un « O » peut-être, déjà fort appuyé ;
Il suffit de s’asseoir
Il suffit de s’asseoir,
Deux yeux grands ouverts, c’est déjà pas si mal.

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