Raphaël Dormoy

Littérature, écriture

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16.10.2021

S’asseoir dans le parc
Ne rien savoir.

Même si je suis assis devant le magnolia,
Même si le magnolia sort de l’arbre,
Quoi pourrait sortir de cet innommé ?

J’aimerais moi aussi sortir, et m’asseoir là
comme un arbre
– Le soleil décline,
Le soleil se lève -, – à vie.

Dans l’allée le chien poursuit sa nature de chien
Mais l’homme ? 

Dans l’allée, j’ai rencontré une fleur.
Mais l’émotion ne dit rien,
ni de l’émotion ni de la fleur

Si je nomme pas, suis-je normal ?

Pourquoi poser une durée qui se gomme.

 

14.10.2021

À chaque instant, quelque chose peut survenir
Une tangente,
Comme la mise qui trouverait sur le tapis du casino son numéro gagnant.
Mais alors de manière fortuite. Comme une main géante posée, là.
Ou alors l’esprit se laisse embarquer par toutes ces machines brulantes et brillantes et se perdrait jusqu’à l’aube.
Certes la mort pourrait surgir aussi, mais à quoi bon y penser.
Quelque chose pourrait surgir à chaque parti pris de paupière.
Le papillon le sait-il ? dans son air alambiqué ?
Oui, ici – dans cette rame qui dessert toutes les gares,
Le meilleur comme le pire.
À cette adresse tout se sait,
Tout est signe, et phrase en découverte.
Il n’est rien à faire, sinon éclore.

12.10.2021

Entre la poisse et la poésie, il est une voyelle.
Il faudrait changer une consonne, et la déplacer
comme on déplace un meuble dans une chambre.
Non dire que la poésie m’ait conduit là
mais la vie ressemble à une serpillère, et la vie est un exercice d’équilibre.
Je rêverais d’être posé à présent comme un meuble,
Retirer les deux voyelles du moteur, et la contempler au milieu de la pièce, posée là,
comme une pièce de musée. Avec mon fils au réveil.
La vie me semble être une parenthèse dans laquelle si je regarde le passé
nulle trace réside. Et avant quelques souvenirs d’enfant,
d’enfance, dispersés ça et là comme des vêtements froissés, mal rangés.
Parfois, l’esprit voudrait imposer sa loi au corps. Mais ce matin
Comme hier matin, comme hier matin matin, le corps vibre et les cellules font des carillons.
Alors il faudra laisser l’esprit au vestiaire, encore une fois. 

11.10.2021

Je ne connais rien de ce qui m’entoure
Je ne sais rien nommer
Je suis dans le train train du jour
Je sais le soleil comme les bêtes des prés
Derrière la vitre je vois l’étendue
Je vois le contour des cimes
Je me souviens d’un cri,
Mais qui se souvient du monde ?

 

09.10.2021

Et si l’objet n’était-il pas de laisser
un simple clin d’oeil

Un clin d’oeil suffisamment subversif
pour laisser trace,
mais que la sienne s’efface.

Un clin d’oeil à l’orée du visible,
à la croisée des jardins

Comme on se retourne, mais que le porteur,
que le messager du sourire, ait disparu.

Ah mon dieu, quel champ neuf
Quelle responsabilité,
Comme un ciel que l’oisillon regarde.

02.10.2021

J’ai beau m’arrêter, l’esprit vaque encore
Comme les voitures, dans leur lancée, dans la rue ;
Ou peut-être qu’un sage peut-il marcher tout en étant à l’arrêt ? 
Il faut du temps pour s’asseoir,
S’habituer à ce qui entoure.
On parle du temps nécessaire à la vue pour apprivoiser la nuit,
Que les taches d’ombre fassent corps.
Un instant, on perd déjà la trace, c’est l’obscurité à nouveau.
Dans ces circonstances, pour voir,
les objets peuvent-ils garder leur patine de mémoire, la plus légère, la plus adorable ?
Ou l’esprit est-il condamné à tout taire ? s’il veut voir.  
Ne pas trop réfléchir, au risque de faire nuit,
de manquer le jour.
Les gens peuvent courir des milliers de kilomètres pour un coucher de soleil,
Mais pour un banc,
de combien de secondes pourrait-on s’alléger ?
Jusqu’à disparaître.   

25.09.2021

Il y a un côté presque irréel du monde, un état du monde, que les sens dans toute leur subjectivité de sens, et leur objectivité de transmetteur, nous donnent à voir. Et ce chien qui se met à aboyer, ou cet aboiement qui me fait me figurer ce chien qui se met à aboyer, dans mon dos, sans que je comprenne ces paroles de chien, mais d’ailleurs est-il un chien ?, oui en effet, ce n’est pas un leurre de haut-parleur, mais le chien, n’est-il pas lui aussi un scandale ? Je veux dire, ce monde dois-je l’accepter dans sa chair, dans sa totalité, dans sa manifestation, première ? N’ai-je d’autre choix que cette acceptation —comme l’eau dans la main prend la forme de main —, et conséquemment le louer ? Ou une alternative existerait-elle, un non concomitant, et si oui, laquelle ? La réponse tient elle dans un rire ? dans un sourire ? dans une fissure ? Ou la réponse serait-elle une expression du visage ? Si oui, laquelle ? Car avant d’être monde, monde dans le monde, je suis homme, et à défaut d’avoir une réponse, sans plus aller au delà du monde, je veux dire derrière le mystère, une réponse à hauteur d’homme, pourrait être une moue. Oui, une simple moue. Comme celle d’un spectateur devant le magicien.
Un aboiement derrière mon dos formalise le chien.
Deux mariés prennent la pose.

Av. Winston Churchill, banc du Petit Palais 

24.09.2021

Amasser les joies minuscules
Amasser les joies minuscules du jour
Comme les cailloux, ou des coquillages ;
Mais surtout, ne pas partir dans l’idée d’une collection :
Une puis deux, oh c’est amplement suffisant.
On peut dire que l’humble a gagné son jour.
Il reste toujours le rivage.
Puis, quelques années après,
un caillou dans la poche.

22.09.2021

Avec quelle fraîcheur la pensée peut-elle restituer la vie autour d’elle ?
Que me servira-t-il de nommer un chant d’oiseau, une émotion, si l’émotion elle-meme provoque un vague souvenir d’émotion
Si le chant d’oiseau ne reproduit en rien l’émotion de la phrase.
Nous aurions une pâle copie, d’un souvenir de vacance, d’une photographie dont les visages, les attitudes, ne diraient rien à celui à qui on la tend, sinon le regard poli d’un regard entre deux froncements de cils, avant qu’il ne vous la rende.
Ah, mais ah, le chant de la mésange bleue.
Ça y est
Je ressors du monde
À nouveau je suis dans un parc
Le square Henri Cadiou
Je suis assis sur un banc, à la périphérie du monde
Les huit bancs forment un arc de cercle, une demi-lune, que les promeneurs traversent de part en part,
par le passage qui mène de la rue Léon-Maurice Nordmann au boulevard Arago
Je dis les promeneurs
Mais ils se font rares, on les entend venir par la porte qui grince
Je dis les promeneurs, mais ils ont perdu leurs habits d’époque, leur statut contemporain
D’ailleurs certains prennent place sur les bancs libres, comme si eux aussi voulaient assister à la représentation
La mésange bleue, en haut du tilleul, disperse son chant.
Le marronnier laisse le vent emporter ses feuilles, dans un ballet plus lent, tout aussi inéluctable.
Cette place qui représente le point zéro du monde.
Un papillon jaune citron tente ici l’aventure
J’hésite à me lever et dire : savez-vous qu’on est nulle part ?
Nous serions idiots de nous regarder dans le blanc de l’œil à ce propos
Mais un enfant prend le marron et le met dans une vieille main.
Les mésanges se sont réunies, et forment une cathédrale totale par les lignes imbriquées de leur chant
Les feuilles font les vitraux d’une église, dont les ombres marquent le sol.

 

11.09.2021

Place de la Trinité.
Il n’est qu’un flot de larmes, qui puisse couler
Comme une source
miraculeuse Comme une source de mémoire comme une fontaine.
L’homme devenu pierre à force d’attendre,
de tendre l’oreille
– Sans passé ni futur
Où l’éternité retranche au même instant
un morceau de passé, qui n’est plus le passé.
Oh, souviens-toi : de la porte qui libère le rire.
Oh, souviens-toi, de ce temps de bascule.
Tous les points d’éternité se joignent et forment un collier de fleurs
Autour du penseur devenu fleurs.
Et le passé n’est plus un poids,
sinon une simple pierre, que la corne d’abondance mouille.

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