Raphaël Dormoy

Littérature, écriture

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07.11.2021

Tout passe et rien ne passe
Mais parfois il faut fixer ce qui passe
Même si le souvenir est trompeur
Comme un verre sans eau
Sans l’eau qui reflète le paysage tant aimé.
Mais le banc reste le banc, malgré tout là
Le banc hors du banc
Qui ne s’est jamais souvenu de nous
Mais qui nous reconnaitra, et nous accueillera avec le même paysage.

 

23.04.2022

Finalement, je n’ai plus besoin d’aller nulle part
Je suis nulle part
Non dans le chemin tracé des jours
Mais dans l’interstice, quand le segment temporel manque à l’appel
Et qu’il n’est rien d’autre à faire, que d’attendre 
Au bord d’une gare, que d’attendre et voir :
Et là : – il n’est rien. Cet instant rappelle d’autres instants,
Un autre lieu, une autre gare
Un ruisseau devant lequel je restais assis tout le jour,
Puis l’asphalte à cette heure presque désert devient ce ruisseau que j’entends
couler nettement
Et mes yeux ébahis contemplent l’espace – pauvre
avec son minuscule bistrot, sa seule voiture arrêtée,
et les passants passant dont une est perdue, mais par dessus tout
Mes yeux contemplent la liberté
(ou l’espace la sienne.)
C’est bien moi ici, c’est bien le privilège du même lieu.
Un lieu où tout est possible,
mais où le possible est retranché de l’action.
Que faire ? Rien. Savourer, sourire, s’inviter s’inventer
Mais déjà, on me klaxonne.

24.04.2022

L’idée d’une pierre n’est pas la pierre.
L’idée du poème n’est pas le poème.
Et la vie, que peut-on dire d’elle ?
Et la mort ? 
Par la combustion des lignes, le poème peut agir, provoquer mille brûlures mille éclats. Et la page physique n’aurait rien laisser transparaître de la situation une fois la lecture  passée.. 
L’inspecteur devra lui-aussi emprunter le récit, s’il veut comprendre le crime, ou l’empreinte, mais une fois transformé lui-aussi par l’épreuve, comment pourra-t-il parler, déduire, depuis la pièce absente ?
L’inspecteur n’aurait d’autre choix que de se mettre en besogne, pour réaliser lui-aussi le crime parfait, et de dire à qui peut l’entendre Mais voyez, mais voyez !  
Le point de la page est parfois là pour remonter à la surface de l’oubli, une mémoire disparue, enfouie. Mais qui emprunterait ces veinules, une fois celles-ci découvertes ? Et pour aller où ? Certains lieux sont véritablement hantés, chargés d’une puissance particulière, magnétique, comme si une force supérieure nous observait, et pourtant accessible à l’intériorité de celui qui passe.
Haut-lieu qu’on retrouve en certains lieux, dans certaines charges, dans certaines stances, silences, blancs, bancs, pour qui peut voir, entendre.   

12.04.2022

                                                                         e

Fenêtre ouverte,
prochain arrêt Vigneux-sur-Seine 
Le monde s’active : Mouche Conducteur de travaux Pelleteuse
Le monde s’active en moi. 
Il est de plus en plus difficile de nettoyer les mots, dans l’eau 
de la fontaine et de les faire sécher sur le bord de la margelle. 
Chacun devient matière, granuleuse, comme pierre ; 
Ou bien tout est-il contenu dans cette seule lettre ?
Comme une fenêtre ouverte. 
Autour de moi, les gens chantent. 
Ouvrir les paupières pourrait être un acte érotique
comme celle qui fait glisser la serviette à tes pieds. 
Je bois les paroles comme des gazouillis,
Et chaque mot est un effort extrême d’une pierre qu’on ne peut plus bouger.
 
                                                                n
l                  v   
                                e        
                                                                        t

05.04.2022

Toujours ce même paysage
L’ –aur–ai-je épuisé ?
Toujours cette nuit, confortable
un luxe – jusqu’à quand ?
Tout tient retient revient d’un équilibre subtil – jusqu’à quand ?
Regarder le paysage qui défile : une conquête simple, la victoire des humbles
Mais si en plus un arbre fleurit, si en plus le paysage se poursuit, la seconde d’après, n’est pas avare de ses richesses ;
Et le poète gagne une virgule comme l’autre une pièce d’or.
Il bruine.
Dans la fenêtre du train, le seconde d’après est l’espoir de la seconde d’avant.

 

02.04.2022

Enfin, enfin. 
Je puis dire Enfin.
Enfin, ou presque. Presque enfin. 
J’y suis presque, presque 
comme le lierre qui toucherait son mur 
Ou presque comme le mur qui toucherait le mur. 
J’y suis presque
C’est ce presque qui excite.  
Un instant, je repartais dans mes pensées 
comme un astronaute pris par le mouvement de son pied, en direction des étoiles. 
Mais la nature en fleur me ramène ici, légère
Oui ici où chaque objet de l’homme pourrait être saisi comme un mystère.
Il reste des bancs !
Je dis Des bancs, mais le un est un des 
qui annonce le hasard et la certitude du nombre.
Ce monde que nul n’apprend à nommer
Il faut le voir pour le croire. 
 
  

Scrupule

Les trous sont gigantesques. Fermer les yeux permet-il de les éviter ? Ce sont des trous noirs. Finalement, tout est calme. L’agitation quotidienne ne permet pas de les constater. On tombe dedans. On vit dans le trou comme on dit. Les bancs, les bancs publics sont en bordure, mais les pieds sont dedans. Le soir dans mon lit, dos au mur, je me tiens debout. Avec l’espoir de ne pas tomber. Le matin, je me redresse je ramasse mes affaires. Je me presse. Il n’y a pas de lumière au fond du tunnel. C’est juste un trou. Lever les yeux permet-il de le constater ? L’arrêt, les microcoupures, sont une façon de survie, et les grandes brasses forment une parenthèse. Mais le froid finit par vous ressaisir, et la racine des problèmes, ce chiendent qui n’en finit pas reste. Les microcoupures sont une forme de résistance. Mises bout à bout, elles sont une seconde à soi, comme une bulle dans l’eau claire, que le trou n’a pas. La suspension n’est pas l’arrêt. La suspension est illusoire, mais elle soulage le corps de la pression exercée par le trou. Elle est ce rebord de fenêtre sur laquelle poser sa joue. On se réveille avec la marque. L’effet d’attraction du trou est tel que les chaussures vont de trous en trous, dans tous les trous. L’enfance semblait nous préserver, dis-tu ? Mais vue d’ici, dans le trou, l’enfance est une idée. Qu’est-ce qu’une tomate pour quelqu’un qui ne l’a pas goûtée ? Et à y regarder de près, avec la dent, avec les langues, l’enfance est à naître. Un trou. Trois trous. Il est difficile de les compter. On omet le second. Et le monde manque à l’appel. Creuser le trou un peu plus. Approfondir les tunnels. Mais après ? Et après. Et. Vous dîtes. Vous dites que l’amour nous sauve. Petite lumière de. Si ça vous chante. Mais l’univers est immense. Et les ténèbres consolent. Elles sont plus grandes que le trou. Me consolent et m’apaisent. Dans les ténèbres, le trou ne pèse rien et la lumière est intacte. La lumière de l’amour, dis-tu ? Mais c’est une flamme solitaire. (Nous avons la même.) Creuser la vie. Allons donc, passer à côté, il vaudrait mieux ! Avec des tasseaux de bois, dans les bras, en guise d’ailes. Et l’art de contourner. Sautez sur le point, remonter la ligne, faire une rotation, et au trois-quarts du tour du trou, sautez volez, battez des pieds, toucher un nouveau point. Avec grâce. Le corps, ce trou normand pour les vers : fuyez tant qu’il est temps. Mais en même temps, un monde sans trou serait un cadavre sans tête. Peau de serpent, sans langage ni raison. Dieu, traduire « certains d’entre eux », traduire « les hommes », ont tous un siège dans le trou, fait de trou, de la matière du trou, invisible pour les uns, confortable pour tous. Ça s’entend, quand on fait varier la fréquence. Ça s’entend, dans tous les trous. Et dehors, vous le savez, dehors la marge n’est jamais loin. Parfois le trou finit par prendre le dessus, vous manger le dedans, le dedans du corps ; est en partie traversé. Vous le constatez. Vous êtes impuissant. Vous avez un trou. Qu’iriez-vous cultiver dedans cette partie creuse ? Des myosotis ? La véritable conquête serait que le rouge-gorge habite votre trou. Si telle est la victoire, vous en seriez absente. Mais l’écho de votre nom sonnerait quand même comme un petit caillou.

02.03.22

04.03.2022

Le vivant se cache
Un milliers d’obscurités,
Le vivant se cache pour ne pas être débusqué
L’oiseau est un leurre, son chant est un leurre,
Le bosquet est un leurre.
Les fleurs jouent leur équation
Au maître du soleil ;
Un banc.
Le poète amasse-t-il les cailloux d’un même trésor,
Ou sont-ce les facettes d’un même joyau.
Poète aveugle comme la fleur.

 

01.03.2020

Changement de voie,
changement de Monde :
sait-Il que je suis là ?
Mesdames, messieurs, votre attention s’il vous plait
Où donc avons-nous caché le merveilleux 
les valises trainent leur lot d’impossibles
hall de gare, mystère entier.

 

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