Littérature, écriture

Catégorie : Poèmes (Page 14 of 32)

Journal des poèmes 

02.10.2021

J’ai beau m’arrêter, l’esprit vaque encore
Comme les voitures, dans leur lancée, dans la rue ;
Ou peut-être qu’un sage peut-il marcher tout en étant à l’arrêt ? 
Il faut du temps pour s’asseoir,
S’habituer à ce qui entoure.
On parle du temps nécessaire à la vue pour apprivoiser la nuit,
Que les taches d’ombre fassent corps.
Un instant, on perd déjà la trace, c’est l’obscurité à nouveau.
Dans ces circonstances, pour voir,
les objets peuvent-ils garder leur patine de mémoire, la plus légère, la plus adorable ?
Ou l’esprit est-il condamné à tout taire ? s’il veut voir.  
Ne pas trop réfléchir, au risque de faire nuit,
de manquer le jour.
Les gens peuvent courir des milliers de kilomètres pour un coucher de soleil,
Mais pour un banc,
de combien de secondes pourrait-on s’alléger ?
Jusqu’à disparaître.   

24.09.2021

Amasser les joies minuscules
Amasser les joies minuscules du jour
Comme les cailloux, ou des coquillages ;
Mais surtout, ne pas partir dans l’idée d’une collection :
Une puis deux, oh c’est amplement suffisant.
On peut dire que l’humble a gagné son jour.
Il reste toujours le rivage.
Puis, quelques années après,
un caillou dans la poche.

22.09.2021

Avec quelle fraîcheur la pensée peut-elle restituer la vie autour d’elle ?
Que me servira-t-il de nommer un chant d’oiseau, une émotion, si l’émotion elle-meme provoque un vague souvenir d’émotion
Si le chant d’oiseau ne reproduit en rien l’émotion de la phrase.
Nous aurions une pâle copie, d’un souvenir de vacance, d’une photographie dont les visages, les attitudes, ne diraient rien à celui à qui on la tend, sinon le regard poli d’un regard entre deux froncements de cils, avant qu’il ne vous la rende.
Ah, mais ah, le chant de la mésange bleue.
Ça y est
Je ressors du monde
À nouveau je suis dans un parc
Le square Henri Cadiou
Je suis assis sur un banc, à la périphérie du monde
Les huit bancs forment un arc de cercle, une demi-lune, que les promeneurs traversent de part en part,
par le passage qui mène de la rue Léon-Maurice Nordmann au boulevard Arago
Je dis les promeneurs
Mais ils se font rares, on les entend venir par la porte qui grince
Je dis les promeneurs, mais ils ont perdu leurs habits d’époque, leur statut contemporain
D’ailleurs certains prennent place sur les bancs libres, comme si eux aussi voulaient assister à la représentation
La mésange bleue, en haut du tilleul, disperse son chant.
Le marronnier laisse le vent emporter ses feuilles, dans un ballet plus lent, tout aussi inéluctable.
Cette place qui représente le point zéro du monde.
Un papillon jaune citron tente ici l’aventure
J’hésite à me lever et dire : savez-vous qu’on est nulle part ?
Nous serions idiots de nous regarder dans le blanc de l’œil à ce propos
Mais un enfant prend le marron et le met dans une vieille main.
Les mésanges se sont réunies, et forment une cathédrale totale par les lignes imbriquées de leur chant
Les feuilles font les vitraux d’une église, dont les ombres marquent le sol.

 

11.09.2021

Place de la Trinité.
Il n’est qu’un flot de larmes, qui puisse couler
Comme une source
miraculeuse Comme une source de mémoire comme une fontaine.
L’homme devenu pierre à force d’attendre,
de tendre l’oreille
– Sans passé ni futur
Où l’éternité retranche au même instant
un morceau de passé, qui n’est plus le passé.
Oh, souviens-toi : de la porte qui libère le rire.
Oh, souviens-toi, de ce temps de bascule.
Tous les points d’éternité se joignent et forment un collier de fleurs
Autour du penseur devenu fleurs.
Et le passé n’est plus un poids,
sinon une simple pierre, que la corne d’abondance mouille.

05.09.2021

Le temps s’allonge comme les rails dans la gare
Par les rails à cause les rails
Comme le temps ne vient pas.
Ronds vides, au sol, comme des horloges
sans heure qui signifient : Juste attendre.
Attendre quoi ? Attendre le temps.
Le lézard cette aiguille filante, lui
a tout compris.

04.09.2021

Les trois cygnes au milieu de la Seine
Les pommes au milieu du jardin
Les nuages passant au milieu du ciel
Les notes de musique sur la caténaire
L’espace sauvage au milieu du RER
La rouille sur les structures
Les oiseaux sur la rambarde
C’est ce que mes yeux retiennent 
malgré eux, malgré moi,
Dans le paysage,
Dans le paysage,  lignes parmi les rails.

31.08.2021

Celui qui n’a pas vu la nuit n’a pas vu le jour

Se lever, sortir les limbes de l’oubli
Renaitre au fond des yeux, du cœur.

Alors le corps respire, lentement amplement
Comme on souffle sur les tisons d’une Mémoire.

Le corps respire et prend l’air, tout l’air du ciel
pour garder trace,

Comme celles que les murs font
sur les flancs de colline,

Le corps respire pour garder trace, au plus profond de lui,
lorsque le la non nuit aura recouvert le jour.

29.08.2021

Je suis dans le train du retour
À l’aller j’ai écrit un poème
Ce n’est pas vraiment le train du retour
C’est le train :
C’est le train Corail avec ses rideaux poussiéreux
Ses sièges épais moelleux
Qui peuvent faire une banquette quand on soulève l’accoudoir ;
Avec les plafonniers qui courent sur les côtés,
Et les rideaux qui bougent un peu.
Le train Corail et ses vitres sales
Et son bruit ouaté mais continu ;
Et ses suspensions plus molles qu’une selle d’un cheval, au trot bien entendu.
Je suis dans le train.
Et une fois encore, il ne tient qu’à moi de choisir la destination.
Comme tous les jours.

 

25.08.2021

Mais si tout est silencieux
Pourquoi cette angoisse ?
Les paroles que mes voisines dans le RER déroulent flottent comme les algues à la surface du réel.
Discussion de travail, technique, laquelle constitue leur propre réel.
La Seine paraît plus bleue qu’à l’accoutumée, plus verte, presque turquoise, comme dans ce rêve fait il y a 8 ans, avec le fleuve qui coule au milieu d’Abidjan.
Autour de moi, dans le RER, ces mêmes têtes inconnues,
tandis que nous traversons la forêt sauvage.
Alors, pourquoi cette inconnue ?
Je me rends soudain compte être aussi transparent que mon environnement, que mon corps constitue une eau d’un aquarium ouvert.
Je me rends au travail.
Je vais au bureau.
Quel type de poisson vais-je accueillir ?

 

21.08.2021

Une goutte est tombée sur ma lèvre
Ciel chaud
Le corps transpire
Une goutte qui allège l’esprit
emberlificoté dans les pièges de sa propre mémoire.
Une goutte qui tombe là,
Dans la fiction des jours
À l’intersection de la rue Froidevaux et de l’avenue du Maine
Tandis que le soleil se couche.
Une goutte au passage des trains,
des voitures,
Une goutte qui rend le monde tel quel, à sa nature première,
tel un livre ouvert.
Une goutte qui
tantôt contiendrait l’univers entier.
Puisse cette goutte tomber sur ma lèvre encore.

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