Littérature, écriture

Catégorie : Madame Edmonde (Page 2 of 5)

13.05.2019

Les lierres me sauvent. Déjà, rien qu’un livre. C’est la promesse d’une présence, d’un paysage, d’une narration, d’un corps. J’ai même glissé un livre dans un autre livre. À côté de mon lit, plutôt que de les entasser pêle-mêle sur l’étagère. Oui, un livre dans un autre livre. J’ouvre la page, il est un livre. J’ouvre l’autre page, il est un livre. Les soucis de demain sont à présent loin. Ils sont une page, deux lignes annotées, dans un livre quelconque.

23.03.2019

La vie, cette somme ballante ; tous jetés au milieu de la toile, malgré nous ; parmi ses fils, ses noeuds. Parfois, une chaise s’effondre, une figure se gomme, mais le piano continue son morceau, corps penchés, à gauche, corps penchés à droite, et l’archet qui joue, joue contre joue, la suite. Qui croirait que le temps efface les plus faibles, les plus vieux, les plus malades, les plus mourants, mais la vie n’est pas un carnet de commandes. Les lettres restent, pour jouer d’autres récits. Et la toile se refait, fils d’or. Et la toile se refait, rires et sauts. Et la toile se refait.

18.03.2019

Monde vide, rempli de briques de mondes vides, disposées l’une près l’autre ; de versant en versant. Qu’il est doux de regarder un monde vide, rempli de briques de mondes vides. C’est rassurant. C’est apaisant pour chacun de nous qui vivons dans une brique de monde vide de regarder le monde vide depuis notre brique de monde vide ; comme cela crée la distance nécessaire, le confort absolu. La qualité d’une brique de monde vide s’observe à la qualité de ses contours, et à la qualité de l’espace non vide qu’elle soumet. Qu’il est doux le soir de rentrer dans sa brique de monde vide, d’ouvrir la brique de monde vide, remplie de mondes vides, et de se rafraîchir d’une brique remplie de monde vide. Et de s’endormir. Et de s’endormir jusqu’à ne plus dormir pour de bon. 

27.02.2019

Autrefois, je lisais un livre pour m’augmenter, un peu. A présent, le confort de lecture ne dépasse pas celui d’un matelas flottant, d’une ligne de flottaison pour les écrits les plus profonds, et l’effort de lecture ne dépasse pas deux ou trois mouvements de main, au risque de flotter bientôt dans le sommeil. Mais la simple présence de l’ouvrage a plus de vertus qu’un coquillage, puisqu’il me donne et le coquillage et le sable et la mer. Parfois ne pas lire, mais simplement toucher l’ouvrage de l’index suffit. 

12.02.2019

Il aurait fallu vendre la fleur avant son éclosion. A présent, elle est esquintée. Mal vendue, mal placée, diront les uns. Manque de pot. Mais d’ailleurs vend-on la beauté ? Vend-on la pitié ? Pour quelle obscure raison achèterait-on une fleur pourrie ? La dernière fois que je traversais le lieu de report et de repos des morts, je découvris dans l’une des poubelles des géraniums encore fleuris par quelques bouts vigoureux. Ils étaient en nombre dans la grosse poubelle et j’en prie une poignée. A-t-on besoin d’acheter la beauté ? Je les plantais dans mon jardin. Ce sont des fières bêtes à présent, au poil soyeux, à la robe délicate qui traversent l’hiver comme des chiens de traîneaux. Braves bêtes.

04.02.2019

Comme si la page ne se fermait plus ; comme si le livre cessât d’exister. Les mots ne seraient plus que des morceaux, des morceaux de phrase ; des phrases sans adhérence ; comme les rideaux de perles séparant la pièce du jardin : et là serait un piège, cela serait trop simple. Après qu’il eut disparu, on découvrit dans la maison, dans les torchons, partout dans les draps, dans les vêtements, partout où un morceau de tissu subsistait, des milliers de phrases, grouillantes, certaines de la taille d’un pouce, d’autres longues, si longues, qu’on les tirait des murs blancs, comme si ces dernières s’y plongeaient instinctivement, quoiqu’aveugles. Et ici là des cadavres de lèvres, de rêves, et de lettres, dans les poussières. Heureusement, tout ça est mort depuis longtemps.

03.02.19

Comme si la page ne se fermait plus ; comme si le livre cessât d’exister. Les mots ne seraient plus que des morceaux, des morceaux de phrase ; des phrases sans adhérence ; comme les rideaux de perles séparant la pièce du jardin : et là serait un piège, cela serait trop simple. Après qu’il eut disparu, on découvrit dans la maison, dans les torchons, partout dans les draps, dans les vêtements, partout où un morceau de tissu subsistait, des milliers de phrases, grouillantes, certaines de la taille d’un pouce, d’autres longues, si longues, qu’on les tirait des murs blancs, comme si ces dernières s’y plongeaient instinctivement, quoiqu’aveugles. Et ici là des cadavres de lèvres, de rêves, et de lettres, dans les poussières. Heureusement, tout ça est mort depuis longtemps.

21.01.2019

Certaines fois, l’envie subite et subie me prend de disparaitre. Non pas me cacher, mais disparaître. J’éteins la lumière, je ferme la fenêtre, et je me mets sous la couette. Bon dieu, quelle drôle de vie ! Mais je ne disparais pas. En même temps, si je disparaissais, qui donc éprouverait ce besoin ? D’ailleurs est-ce peut-être un dieu subtil, une muse maligne, qui m’ordonne, au milieu de ma journée, d’éprouver cet état ? pensant trouver en moi un hôte suffisamment généreux et intrépide pour l’accueillir ? Et chaque fois qu’une telle adversité se manifeste, ma seule envie est de disparaître. Je me lève de mon bureau, j’éteins la lumière, je ferme la fenêtre, puis je tire ma couette espérant mon lit comme dans une valise à double fond.

19.01.2019

Bon dieu, les représentations nous collent à la peau, collent aux murs. Dehors, c’est pas si méchant. Mais dedans, c’est étriqué. Pourtant il y a de la place partout, partout autour, autour des jambes. Et, si c’était elle ? Je n’ai pas vu son regard, ni ses yeux. Les gens entrent et sortent des rames. Elle s’est assise à côté de moi et de mon fils, sur le quai. Nous restons sur le quai. D’où viennent ces drôles d’intuition qui traversent les murs, creusent les corps, crèvent les coeurs ? Seulement voilà, je suis entre le dehors et le dedans. Nous allons rentrer. Il fait chaud dehors (moins 1° C). Nous allons rentrer en ramenant quelque chose du dehors ; du moins laisserait-on une lucarne près du coeur.

22.11.2018

Le monde est un flux de caniveau. A chaque instant, chaque jour : ces déchets. Mais aussi ces visages. Et tous ces espoirs déçus. Mais aussi ces visages ; et tout ce que le monde tait, et qu’il faut taire : liquide argenté de faible viscosité sans qualité de miroitement. Le monde est un flux de caniveau. A chaque instant, chaque jour : ces déchets. Mais aussi les visages, les troncs et les racines. Et parfois même une étoile, qui serait tombée du ciel.

« Older posts Newer posts »

© 2023 Raphaël Dormoy

Theme by Anders NorenUp ↑

%d blogueurs aiment cette page :