Raphaël Dormoy

Littérature, écriture

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05.04.2021

Le bonheur renaît dans tel arbre quand
l’autre fut coupé.
Et l’opulente floraison d’un merisier,
en de larges panaches d’inflorescences
dans le jardin des soeurs coréennes.
Et cet autre souvenir, loin loin loin
que l’exographie des lieux fait renaître.
La vie s’apparenterait au rêve,
le banc est resté vide, chargé de nos espérances.
Et l’élégante collerette d’un camélia,
Se tenir prêt.

02.04.2021

L’humanité dans le caillou.
L’humanité dans les chaussures ;
Il nous berce le train,
Cailloux sur les voies.
Humanité sur le caillou,
Quand on y pense tiens
Ça effraie l’absence de chute.
Heureusement, la vie est là,
qui peuple le moindre espace.
Brins d’herbe.

 

30.03.2021

Ligne C

Ligne C – Journal

Ligne C, bloquée. Retour à la D. Un homme s’est suicidé. Ascenseur bloqué. Ça pue tellement la merde à Châtelet, dans la station, qu’on en vient à vérifier ses chaussettes, des fois que. Ça ressemble à un gros boyau, tacheté de lumière. De l’air, de l’air. Le masque n’y fait rien. L’espérance malgré tout subsiste. Le soleil macère tout ça. Vitre sale. Il n’y aura pas de différence entre l’homme et le fourmilier, entre l’homme et la fourmi. L’humanité ressemble à ce rail rempli de cailloux. L’homme aura raclé le fond de l’assiette, ouvert les entrailles de sa mère. Ici, aucun fil ne vibre. La fête est désormais plus que fumée. Une journée de combustion. Ah, qu’elle fut belle et légère. Ici, rien ne différencie le pylône de l’arbre. La vie semble avoir quitté la vie. Mais il reste l’espérance, blottie haut quelque part. Mais il reste l’espérance. Un homme s’est jeté sur la voie.

22.03.2021

La Seine charrie sa durée.
L’homme charrie la sienne dans l’interstice des jours.
Nous construisons le ciel, ou des naufragés
Quels poids avons-nous sur le cours ?
Allons, laisse-toi, laisse-toi aller. Epouse le mouvement des secondes, des jours,
des saisons. Déleste-toi
et tant pis pour ce que le courant emporte.
Concentre-toi sur le voyage,
Concentre-toi sur ta propre lumière,
comme le font les oiseaux migrateurs.
Ce qui appartient à la durée retourne à la durée.
Allège-toi.

La Seine charrie sa durée.
L’homme charrie la sienne dans l’interstice des jours.
Nous construisons le ciel, ou les naufragés
Quels poids avons-nous sur le corps des choses ?
Allons, laisse-toi aller. Epouse le mouvement des secondes,
Et des saisons.
Tant pis pour ce que le courant emporte.
Concentre-toi sur le voyage,
Concentre-toi sur ta propre lumière,
comme le font les oiseaux migrateurs.
Ce qui appartient à la durée retourne à la durée.
Allège-toi.

La Seine charrie sa durée.
L’homme charrie la sienne dans l’interstice des jours.
Nous construisons le ciel, ou les naufragés
Quels poids avons-nous sur le cours des choses ?
Allons, laisse-toi aller. Epouse le mouvement des secondes,
de la goutte, des saisons.
Tant pis pour ce que le courant emporte.
Concentre-toi sur le voyage,
Concentre-toi sur ta propre lumière,
comme le font les oiseaux migrateurs.
Ce qui appartient à la durée retourne à la durée.
Allège-toi.

19.03.2021

Deviens bougie, éteinte ou allumée
mais deviens bougie, sans destination
Au-dessus des mouvements : chant d’enfant,
mouvement du train, mauvais regard, allant allant sur les
courants phénoménologiques.
En dessous du ciel ou de
—qui te semble beau à voir,
Ou quelque soit le plan, dessus dessous,
puisque le plan est sans direction.
Flotte, petite bougie, flotte. Au-dessus des eaux, de la
Seine, du prochain arrêt, du printemps, des marronniers.
Une main voyante, délicate, te trouvera
et trouvera ta mèche en partie consumée.

09.03.2021

Le langage, cet exotisme. 
La langue anglaise, cet exotisme. Comme une plante verte, ou bleue,
à l’entrée des bureaux, des gares,
occupant une place près de soi dans un train de banlieue. 
Parfois, en ouvrant les yeux, le monde des hommes devient lui aussi d’un grand exotisme : un humain qui lit le journal, des sièges ; une caquette. D’autres humains qui rentrent et s’assoient. Le sac à main d’une dame, de couleur noire. Le poussoir sur la vitre pour l’ouvrir, c’est très étonnant
Oui, l’homme est d’un grand exotisme, avec ses rails, ses cheminées en haut d’immeuble, ces trains à quai, ces hommes vêtus de rouge sur les voies ferrées. Alors oui,
à y voir de plus près,
de manière plus lucide, ces petits actes du quotidien, ces contrariétés, sont de même nature que le caillou sur le chemin de la pousse, que le trop plein d’ombre d’une feuille sur le chemin de l’héliophile, ou la bourrasque pour la plante frileuse que je suis. 
Et le ciel ? Et les étoiles ?
Mince ! mon arrêt. 

 

07.03.2021

Entouré de bruit et d’univers,
L’homme marche dans le néant
Le néant n’est pas l’absence de réponse ni de foi,
Et l’univers vide, ou parsemé de galaxies, 
est une réalité pleine de sens. 
Cette ontologie du néant est bien plus profonde.
Un instant, on pourrait presque perdre pied
Ou se mettre à crier ces paroles. 
Mais très vite, le bruit redevient brouhaha
et le brouhaha redevient d’époque
Et les deux univers coïncident.
C’est un dimanche ensoleillé, 
Les passants traversent l’une des allées latérales du Jardin des plantes,
en tout sens, levant une fine poussière.
Et le merle est radieux. 

 

Les statues dévorantes

Vos créations n’intéresseront personne. Le monde a besoin de créatures, non de création. La création est acquise pour le monde. Le monde a besoin de créatures pour être peuplé. Cela importe peu de savoir qui vous êtes, ce que vous fûtes, ce que vous fîtes. Un monde sans créatures ne peut pas être peuplé, et un monde sans peuplement ne peut pas être. Il en devient vide, constitue une absence, un non sens. Cela le monde l’a compris dès l’origine et c’est pourquoi il se hâte. Il se hâte d’être peuplé. La vie est courte et le monde court, il faut se dépêcher, répondre à la créature qui réside en soi, la réveiller, la délivrer. L’absence forge la forme. Tôt ou tard il faut se dépêcher, tôt ou tard, on finit par la reconnaître. La créature est née, elle doit se reformer l’instant d’après sans quoi elle disparaît, et le monde se dépeuple. Oui, pareil au mouvement de balancier. Le temps s’étire et se rétracte, s’étire et se rétracte, et l’aiguille de la seconde doit occuper sa place, sa position suivante, sur le cadran. C’est harassant d’être une créature. C’est un travail à plein temps, que d’autres exercent pour vous. Il est important d’être là au bon moment. Peu importe ce qui s’ensuit. Tout converge en la créature pour animer son visage, sa bouche, son corps, ses lèvres. Peu importe ce qu’elle dit. On ne réussit pas à tous les coups, mais le premier coup est le bon. Il ne faut jamais se retourner, pas plus que regarder l’avenir. Vous seriez transformé en statue de sel. Quant à ce qui advient, ce n’est qu’absence, le monde qu’il faut repeupler. Le dépeuplement donne le vertige. Le dépeuplement n’est pas pensable en terme de pensée. Il ne ferait que survenir des haussements d’épaules, un sourire poli entre deux silences. Car cela n’aurait aucun sens, un monde avec des créatures qui ne signifient rien. Cela n’aurait aucun sens, pas même une direction. Or le monde a besoin de sens, le monde a besoin de direction. C’est pourquoi la créature s’anime, mais elle ne parle pas. Elle est une forme et cela suffit, elle donne tout son sens, sa forme parle pour elle. Elle nous économise le besoin de la penser. Elle nous laisse même le choix de la contempler. Cependant, si la créature ne se contemple plus, elle se fissure se craquèle et tout s’effondre. A quoi bon contempler sa poussière, ou son souvenir, quand d’autres créatures se présentent devant nous. Elles ont ce pouvoir, lorsqu’on les touche, de nous transmettre le leur. On voit le monde à travers leurs yeux. Peu importe ce qu’il est. Il est. Poser la question de savoir qui incarne cette créature est un non sens absolu. Ce qu’elle incarne est. Parfois il arrive qu’une créature surgisse alors que nous ne l’avions pas vue. Cela rassure, cela nous soulage de bien des maux, de savoir que des créatures coexistent sans que nous les voyions, que le monde pourrait être vide, qu’il n’en est rien en vérité. Cela consolide notre foi en ce que le monde ne sera jamais dépeuplé. Parfois des créatures nous apparaissent, alors qu’elles se sont éteintes. Elles sont mortes sans avoir fermer les yeux, dit-on. Cela leur donne un caractère plus étrange encore. Ce genre de créatures se tait plus qu’aucune autre. Elle n’en est que plus magnifiée, comme si sa forme était trace unique, non négociable en sa direction. Son absence de mouvement excitent le nôtre plus encore. Mais peut-être que l’histoire que je raconte vous ennuie. Si c’est le cas allez vous en, je n’ai pas la force de bouger de ce banc. Je suis saoul comme un cochon et je ne peux pas me taire. Je ne sais pas qui nous sommes et si le monde a besoin d’être peuplé. Je sais simplement cette chose en levant la tête, en regardant les nuages, et leur trace dans le ciel… Le monde ne regarde rien. Il est vide de notre absence et de nos pensées, et pourtant il n’a pas la pudeur de cacher sa beauté. Mais à cet instant, il est trop tard. C’est ce que je crois. Pardon, écartez-vous, je vais vomir. Pardon, personne ne peut entendre mon désespoir. Le monde a besoin d’être nommé sans quoi il ne peut se reconnaitre. Le monde ne comprend pas une chose qui ne le nomme pas. Le monde ne comprend pas l’espace vide qui le détoure. Cette chose devient sa frayeur, et même son ressentiment, alors qu’aucune créature, alors qu’aucun créateur, n’a réponse à ce non sens : le créateur ne peut pas être mort. Il doit être une créature qui ne dit pas son nom. Quelque chose doit se produire. Une trace, quelle qu’elle soit, une étincelle. Toute créature même disparue émet une ombre. Une ombre à partir de laquelle il est possible de repeupler le monde. Oui tout comme les nuages. Tous les nuages ont une forme.

18.07.2013

07.03.2021

Et voilà Nous petit moi nulle part. Alors qu’il s’agit du banc Du jardin des plantes. Je ne comprends pas ce que le corbeau pense. Je ne saisis pas ce que l’arbre ressent S’il ressent ; par Et les humains qui traversent mon champ de vision à quoi pensent-il ? Comment le saurais-je ? Mais alors avec qui avec quoi communier ? Il y a bien un écart immense entre ce qui m’entoure et ce que je perçois au quotidien. Ou pour être plus logique, et raisonnable, il existe un écart inouï entre ce que je considère être extérieur, et cette révélation immédiate, asymptotique, dans la saisie d’un monde brutal et merveilleux, comme si les yeux étaient plusieurs fois lavés d’un regard perclus. Merde alors ! Mais oui. Et toujours par surprise! L’alerte son intensité vient à la fois dans la saisie du monde et l’intensité d’écart qui le sépare du monde. La difficulté de maintien de l’état réside dans l’intensité de la perception et l’intensité même de l’effort de son maintien qui finit par lâcher l’objet comme un ressort trop tendu qui perdrait ses propriétés de ressort. Merde alors. Mais oui, c’est vrai. Et toujours par surprise ! Il suffit de regarder. Merde alors. C’est toujours le même merveillement. Et, la question serait Quoi Quoi faire de ce monde, neuf, autre, permanent, d’un degré autre. Mais le paon, ou toute chose du merveilleux, ou de la vie, aurait son mot à dire. 

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