Nous repartons seuls
Mieux vaut ceci qu’être à plusieurs ?
Mais ce seul, quel est-il,
Retranché de soi,
Retranché de soi-même ?
S’alléger de soi comme d’un dernier vêtement,
Et disparaître.
Littérature, écriture
Nous repartons seuls
Mieux vaut ceci qu’être à plusieurs ?
Mais ce seul, quel est-il,
Retranché de soi,
Retranché de soi-même ?
S’alléger de soi comme d’un dernier vêtement,
Et disparaître.
Le troglodyte mignon n’est plus
Depuis plusieurs jours son chant a disparu
depuis plusieurs semaines
Pourtant mes mots : je fais vivre sa mémoire
Mais mes mots ne disent rien
de lui de son chant de sa mémoire ;
Il faisait son travail
le troglodyte mignon.
Comment se soulager de ce poids
Sur les paupières sur les épaules
Cette carapace cette maison cette mémoire
Comment s’en dévêtir ?
Est-ce que les cailloux,
La vue d’un enfant allège sitôt le poids;
Aucun souvenir en soi n’a la légèreté, son sourire.
Ce sont des cartes postales, pas plus.
Il faut puiser loin et voir la lumière d’un point
Qui ne dit rien ni ne prend,
Qui protège qui ouvre tout
Comme le sable est sable.
Le monde a baissé son volume
Il subsiste un doux brouhaha
L’ombre et la lumière épousent l’écorce d’un platane
Le banc au milieu de la place
Est plus matériel que les passants assis en terrasse
Les directions se croisent sans jamais se toucher
Quel bouquet de fleurs sortirait de deux cœurs qui se choquent ?
Les tables attendent, peu importe qui s’installe
Chacun a sa chance, chacun peut s’arrêter, et voir.
Il y a un trésor dans chaque paupière,
Mais il faut l’ouvrir, et bien se pencher, pour faire tomber l’or.
Ciel fleuri du soir
Le merle nous fait savoir
Son coeur des grands soirs
(haïku retrouvé)
C’est une chance de s’aimer
Semer ici et là,
Le bruit quand même autour,
Mais les coquelicots
Et l’ombre des feuilles et donc le chemin
tendre sous le soleil de mai.
La difficulté est le feu aux quatre vents,
Tourments tournant,
Mais se concentrer sur la braise.
Laisser le geôlier se laissait rire sur son anneau ;
Ne pas se laisser effaroucher par la rose,
Dans sa posture altière.
Seule la nuit est altière ; les départs de flammes,
Tu seras flamme à ton tour,
et toute parole nourrirait ton bois.
S’imprégner du paysage
De la mer
Comme un assoiffé sans pain
Sans vin
Et dire J’y étais, ou mieux
J’y suis encore.
Mais comme puis-je dire J’y suis encore
Par quel miracle ?
Le temps emporte le sable,
La mer lacère la roche à coups de langue ;
Et les passants passant là passent
le pied moins arrimé à la terre qu’une patte de goéland.
Alors par quel miracle pourrais-je dire J’y suis encore ;
Par le miracle d’un banc
D’un banc, d’où le ciel peut voir
D’où la mer peut entendre,
et la lumière s’émouvoir,
D’où le miracle peut se contempler en tant que miracle.
Tenir une histoire plutôt qu’une autre. Mais tenir celle-ci. Faire la phrase. Faire le récit. Ce pourrait être un tout autre récit. Mais non. C’est celui-ci, vous le savez. Et pas autrement. Il pourrait être Un autre. Mais c’est celui-ci. Il faut construire la phrase. Tenir le motif. Et le motif nous tient. Alors il faut poser la cuisine. Construire le lit. Construire la suivante qui vérifie la dernière. C’est l’art du poème, c’est l’art de la vie. Pessoa disait que le poème est l’art du mensonge. Sur quelle dialectique la vie se construit-elle ? Au moins elles se tiennent, la phrase et la vie. Main dans la main. Poussière de points. Phrases qui grelotent. Que resterait-il ? Les enfants qui ont vu les danseurs imitent leur liberté sur la pelouse. Parfois le pas arrive à sortir du récit. Et c’est alors Continue reading
Et s’il n’y avait plus rien de tout ça. Si la voix du merle, si le contour de la feuille, si l’atmosphère générale de paix, si l’air que je respire, étaient remplacés par par je ne sais quoi – de factice, de méchant ou de marchand, car quoi je ne suis pas obligé de m’installer dans un endroit payant, car quoi tout ceci m’est accessible, est à moi, où le moi est à tout ça, et peut aller par le jeu du regard, du cœur, d’un lieu à l’autre, d’une branche au tulipier comme l’oiseau ou la pensée légère. Tout ceci qu’ils n’ont pas pris, qu’ils n’ont pas su arracher. Placez-moi en prison. Tout ceci resterait. Il resterait un coeur. Néanmoins que le nôtre fut emporté. Tous ces hommes autour de la margelle qui regardent dans l’eau, ou leur reflet. Mais ceci, ils ne peuvent le prendre. Ni même l’interpréter. Ils sont condamnés à rêver, errer ou regarder. Ils ne peuvent le prendre, ceci qui tient dans le regard.
Et si je m’étais trompé,
d’espace totalement.
Bien sûr c’est évident, dit-il à présent qu’il voit,
et que la mauvaise toge qu’il tisse la nuit est à ses pieds.
C’est évident.
Non pas ici sur la barre métallique, dans un coin de la station RER, sous l’écran des destinations, mais –ici !
On ne sait pas s’il s’agit de la mer,
ou du regard qui la contemplerait.
Mais attention aux mots qui sont aussi glissants qu’une grève en pente mouillée qui vous emporte au moindre poids.
Ici, – ici ! Tout est calme.
Et il se met à rêver que l’écran au-dessus de soi, lui indique une autre nouvelle,
une autre destinée.
© 2025 Raphaël Dormoy
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