Te crois-tu au bout,
Mais il reste la rose rouge
Littérature, écriture
Rendre son temps plus excitant.
Ici, ce sont les (lents) nuages qui passent devant ma fenêtre.
Je cherche ailleurs :
Accompagner (ce matin) mon fils à l’école.
Je cherche encore :
Allumer une (belle) lampe.
Je cherche en plus :
Voici donc – toute ma richesse !
Je ne pourrai vous rendre la monnaie,
mais un ou des rêves.
L’effroi survient quand j’ouvre les yeux. Non la paupière, les yeux. Je suis dans le métro, dans le wagon, dans la rame. Ne devrais-je pas dire l’arame ? Je suis dans l’arame tandis qu’une voix enregistrée débite des noms de stations qui me font croire que je suis dans la rame. Mais quand je suis dans l’arame, je découvre être parmi des hommes qui comme moi se dirigent vers une station inconnue, parfaitement sue. C’est un cauchemar. Car je découvre alors être entouré d’hommes. Pas un mot. Croisons les doigts. Qu’ils n’aient pas vu que j’ai vu. Est-ce contagieux ? J’ose à peine regarder mon reflet, mais je sens bien qu’un autre sommeille en lui, que dis-je qu’il regarde lui-aussi le monde d’un oeil morne, triste et froid. Que son épiderme laisserait paraître une cuticule épaisse, reptilienne. Qu’il vous croquerait le portrait avant de l’avoir esquissé. Ah damned ! Un lac, vite un lac ; d’un ample pas souple, que je puisse rejoindre les miens.
Toujours là, à portée de doigts, à portée de main. D’autres partent ce soir. Pas moi. Pas moi encore. Allongé je ferme les yeux. Je pense à la parenthèse du jour, au point du sommeil, au paragraphe du rêve. Espace blanc et reste une promesse. Certaines mémoires proches arrivent déjà au seuil de l’existant. La vie les emporte presque au bout. Le soleil se fait tard. Nous chercheront-elles une fois parties ? nous retrouveront-elles ? Et de quelles manières ? D’autres ont quitté sans laisser de trace ni d’adresse. Mais il vient parfois quand même un enfant qui vient poser sur leur tombe une fleur. Dans le cimetière, le tulipier de Virginie délivre ses feuilles d’or à qui veut les voir ou les entendre. Que restera-t-il de tout ça ? Peut-être un poème.
Je n’ai pas vu le paysage, à présent qu’il me regarde.
Les trois oiseaux m’ont fixé, derrière les lignes du ciel
À présent que je vois la Seine
Cette part de moi-même – sauvage.
Tant de distractions que
l’essentiel viendrait après, après
la bataille ;
À l’instant de la lente allure, qui fixe l’arrivée à quai,
L’arrivée, l’arrêt.
J’ai beau garder les yeux ouverts, les rêves circulent encore. Je les vois : des rêves, des vieux rêves, d’anciens rêves, des transcriptions, prennent vie. À cet instant de la nuit, multiples, épars – comme l’activité d’un grand port, dirait-on, à la croisée des mondes. Je pourrais les compter. Et ils sont si nombreux. Entre les rêves et les instants de vie, il s’agit d’une immense cité où toute pensée s’affaire , ainsi que des souvenirs, de ma jeunesse, exacts – des moments si parfaitement exacts, que la crainte serait de ne pas vivre la vie qui se présente. Que se passe-t-il à cet instant de la nuit, à cet instant de la pensée pour que tout jaillisse d’un coup, pour que tout d’un coup émerge ? Mille, cent milles, et chaque nouveau rêve que la pensée reconnait. Il faudrait un grand plateau sur lequel s’asseoir et voir tes yeux au centre.
© 2025 Raphaël Dormoy
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