Littérature, écriture

Catégorie : Poèmes (Page 19 of 32)

Journal des poèmes 

14.12.2020

Ce paysage m’avait manqué. 
Les souvenirs ne suffisent pas. 
Il a fallu que je m’absente quelques minutes, 
que je sorte les yeux du livre 
pour découvrir ce paysage déjà vu,
dont l’émotion s’était enfouie. 
À présent, le paysage n’est plus.
À présent, des maisons des friches des arbres des arbres fanés des fumées des industries traversent la vitre.  
C’est la fin de saison
C’est la pointe de l’automne.  
Le soleil peine à sortir des nuages. 
C’est le lundi 14 décembre.
Il est 13h23, il fait 11 °C.
Il paraîtrait que l’hiver aura disparu bientôt, 
Que la neige n’est plus. 
Dans les gares, des caméras enregistrent.
La Seine reparaît dans le paysage.  
Je replonge les yeux dans mon livre. 

 

13.12.2020

Le merveilleux
Se tarit-il dans les yeux de celui qui 
Ou,
Est-ce le fait d’une lumière
d’un gaz particulier qui, 
dont il suffit de faire varier le brûleur Pour 
pour voir le monde,  
changer d’ombre. 
Et alors, dans l’apparence des choses
 — Arbres, bancs, passant — 
retrouver sa clarté première.

 

06.12.2020

Il a fallu beaucoup à la rose pour être là
Mais pour le regard ?
Combien d’effort combien d’années
Combien d’épines
Combien d’insouciance
Combien de trop
Combien de pas assez
Combien de rien
Pour la voir en soi
Resplendir.

 

04.12.2020

Concentre-toi sur le détail,
Le détail qui ne convient pas à l’ensemble
Ou si peu. 
Et non sur la lumière devenue ombre,   
Noyau sec, sans chair, pour l’oiseau affamé.
Concentre-toi sur le détail,
Oui, le détail qui ne convient pas  :
Le sifflement aigu du vent dans la fenêtre, 
La rayure faite sur le paysage,
La toux d’un voisin.
Et, sait-on par quel miracle, 
La lumière du monde entre à nouveau,  
Comme un verre empli d’eau. 
Peut-être la salissure est-elle nécessaire 
Pour être dedans,
Comme la poussière ou l’aspérité 
Qui permet au flocon de naître. 

 

29.11.2020

Sortir des corps qui m’habitent,
revenir au réel 
Sortir. 
Mais l’effort des yeux, 
Le pas de côté 
L’écoute attentive n’y suffisent pas ;
J’y suis presque, mais la porte se referme. 
Pourtant, le merveilleux est là!
Il sourit, scintille ait. 
Oh oh! Je vais me retourner et marcher, 
Marcher comme si de rien n’était.
Faire des ronds de jambe — comme si j’étais ailleurs,
Absent.  
Parfois, mes jambes indiquent l’heure. 

 

20.11.2020

Le ciel est plus bas. Beaucoup plus bas. Les visages grimaçant ; cela se voit malgré les masques. Les visages se distordent un peu, fébrilement. Pour les moins préparés ? Pour les plus soumis aux variations physiques du milieu ? Ça sent la merde. Nous aurions dû déjà quitter la zone de nuit. Mais elle parait s’allonger. À moins que la perception du temps évolue elle aussi. Pas le choix que de monter dedans. Pas le choix que d’endurer. La lumière qui traverse la rame est un avant-goût du rien. Des enfers. Vitres sales. Épaisseur de traits. Soleil dégorgeant sa lumière sale. Le passé n’est plus qu’un lointain souvenir. Un souvenir mal arrimé dans le temps. Le langage pourrait être ce qui me relie à l’avant, comme une torche éclairant ce qui vient, ce qui se présente. Deux grosses piles là-dedans. Et peut-être que toutes ces statures assises, statues blanches, peuplant la rame que la lumière blanchit davantage, peut être qu’un évènement (une poussière ?) les réveillerait toutes. Les rêves des nuits précédentes, d’autres fois, de la nuit dernière se pressent aux carreaux sales, comme des enfants curieux. Je suis sauvé, me dis-je. Suis-je sauvé ? redis-je, tandis que la rame continue de s’agglomérer de corps, et que la réalité se désagrège à mesure qu’elle avance. Je vérifie ma lampe. Je la secoue. Des voisins s’échangent un filet de bave, et de banalités. Je me concentre sur le détail comme je l’ai appris autrefois. Le ciel n’est pas plus haut. Mais à considérer les reflets qui se songent en lui, l’autre monde m’apparaît, intact. Nous longeons le fleuve, c’est écrit dans la vitre. Et dehors, il reste l’espoir que le néant n’ait pas tout à fait disparu, à le regarder de près, intact lui aussi le long de la ligne blanche qui court près de nous. Le téléphone de ma voisine sonne. Les objets inanimés n’en sont que plus éclatants. Animés, inanimés. Arbres, feuilles, siège, immeubles. Même les sièges de la rame. Tous les sièges. Tous semblent animés d’une petite phrase, singulière, mais ce n’est pas assez audible de là où je suis assis. D’une phrase et d’une posture. Je serre plus mon sac dans mes bras. À présent, le ciel est féérique. Quelqu’un crie. Fort dans une langue que je ne comprends pas. Ici la lumière tente d’agripper le monde, comme une algue son volume de ruisseau. Un mouchoir sale est resté sur le siège devant moi. Le véhicule continue de se rétrécir. Il formerait presque un tube de néon, comme on sait ce qu’ils sont. Le merveilleux perdure dans ces volumes de ciel et de lumière. Les lumières viennent de s’allumer dedans. Il reste une ligne. Ou un point. Selon. Néon.

08.11.2020

Rien ;
Si je pouvais prendre racine sur ce banc
Je serais heureux comme un arbre,
Je n’avais pas vu un arbre sourire
D’ailleurs il danse ;
Même les pierres des façades respirent.
L’homme est une parenthèse de sens
J’aimerais être en elle — nue et silencieuse ;
Peut-être que la lumière ne suffit pas,
Mais elle est préférable aux ténèbres
— Mais quand tout est silence ?
Je suis là Je suis arrivé répète-t-il. 
Une pincée de sel de mystère d’absurde
Une pincée de rien et de merveilleux
C’est un drôle de cocktail que sert la barmaid.

 

18.10.2020

Arrêter, mais si j’arrêtais.
J’ai peur. C’est exquis. Je ralentis.
Il ne reste plus qu’un principe d’inertie qui porte encore mes pas.
Jardin du Luxembourg ou ailleurs.
Méfions-nous de ces arrêts brutaux qui remettent en marche le moteur.
Arrêter. Le fil de l’histoire se distend.
Chaque émergence de discours pourrait être un presque étonnement, mais il reste un fond de cale.
Arrêter, laisser les signes se détacher.
Les montrer or
comme les feuilles du févier d’Amérique.
Mais pourtant, le monde m’emporte dans sa course, à nouveau.
Et je rêve d’un banc volant.

 

12.10.2020

Je me mets toujours côté mer
même si c’est la Seine
même si c’est le tunnel
Ah, la Seine
Les loupiotes du tunnel éclairent mon intérieur
les sièges rose fuchsia égaient l’instant
et les langues dans le haut-parleur livrent une pointe exotique
Ah, la Seine
Je me prépare à la joie
Je me mets toujours côté mer
Je me fais bercer par le tétum tétum des rames
par l’océan qui se déverse dans mon oreille
Une histoire traverse un livre,
mais la rame, que charrie-t-elle ?
Le train sera sans arrêt jusqu’à Juvisy,
c’est écrit, dit la voie
Oh ciel, oh mer, oh charité,
oh clarté.

 

24.09.2020

Enfin, enfin !
Enfin, je ne suis plus obligé de dire que «la chaise» est la chaise.
Je puis relâcher la pression, et m’asseoir,
me laisser emporter par le mouvement du train 
— quelconque, sans obligation de dire :
j’ai relâché le costume.
Je l’ai posé à côté de moi,
je suis posé à côté de lui ;
Cet autre qui sourit dans la nuit.

 

Enfin, enfin !
Enfin, je ne suis plus obligé de dire que «la chaise» est la chaise.
Je puis relâcher la pression, et m’asseoir
Me laisser emporter par le mouvement du train 
— Quelconque, sans obligation de dire :
J’ai relâché le costume.
Je l’ai posé à côté de moi,
Je suis posé à côté de lui,
Cet autre qui sourit dans la nuit.

 

Enfin, enfin !
Enfin, je ne suis plus obligé de dire que «la chaise» est la chaise.
Je puis relâcher la pression, et m’asseoir,
Me laisser emporter par le mouvement du train ;
Quelconque, sans obligation de dire :
J’ai relâché le costume.
Je l’ai posé à côté de moi,
Je suis posé à côté de lui,
Cet autre qui sourit dans la nuit.

 

« Older posts Newer posts »

© 2025 Raphaël Dormoy

Theme by Anders NorenUp ↑