Se détacher de la pesanteur. Se détacher des mots. Mais non. Rien n’y fait. Ça vous colle la peau. Cette réalité vous colle à la peau. C’est une réalité à ciel ouvert. Avec ses barrières, ses limites. Tout, strictement tout, chaque objet dans la rue, chaque détail, a recouvré sa fonction de décor, son intention première, son intention de mise en scène. Jusque dans l’attitude, jusque dans la parole. Comme une musique trop sue. C’est insupportable. Le moindre signe est amplifié au passage du corps sensible. Tout, strictement tout, a recouvré sa fonction de décor. Tout s’est dévêtu de sa nativité première. La fuite en réalité n’en était pas une. L’éloignement géographique ne faisait qu’amorcer ce grand retour, que mieux préparer la chute des toiles. Assis sur un banc, dans un jardin public, je contemple néanmoins cette nativité première, comme une espérance, comme un homme assis derrière le hublot qui regarde l’océan. Et dans ce décor il n’y a pas d’espérance puisque demain n’existe pas, puisque demain est un mur qu’il faut longer, puisque demain est ce mur dans un ciel resplendissant.