Mon corps commence à me lâcher
Je vois mal, mais je vois plus mal qu’avant.
Comme des microfissures sur un papier de soie
Je sens aussi être plus seul qu’autrefois, mais pas de cette solitude voulue, recherchée, arrachée au bruit de l’époque
Je suis seul
Je vieillis
C’est aussi évasé que la partie haute d’un vase, ouverte aux volumes des lieux, de la pièce
J’accueille les conversations alentour, mots échangés entre inconnus entre familiers sur le quai de gare
Les petits culs sont les bourgeons du printemps
Il y a aussi des sauterelles, élancées, affamées de vie.
La vie, quel usage en faire ? Quelle lumière ?
Assurément, celle du désir, celle des heures brûlées pour être brûlées.
Autrefois ma naïveté me protégeait de cet effroi
celui d’entendre mon voisin de table discuter du prix effarant du concombre
Ou des taux d’intérêt d’une assurance-vie, dit ma bouche
Je pouvais en faire quelque chose, un poème, une idée légère qui se dissipait aussitôt
Mais avoir les yeux presque éteints, le regard terne, accomplir la destinée d’un avire (autant lui enlever sa lettre) devenu épave, et aller au milieu de la mer, sans horizon sans équipage, rien ne m’avait préparé à cela.
Le reflet finit par dessiner dans la vitre une image nette et la rouille a envahi tout le portrait,
Le visage est une faible mémoire.
Je rêverai d’un banc en bord de mer
Échouer là. Sans mémoire.
Les poissons se cachent-ils pour pleurer ?
Pour qui comptons-nous vraiment ?
Et quoi seraient-ils prêts à retirer de leur vie ceux pour qui nous comptons.
Dites-le moi.
Il est tard. La réponse ne fut jamais claire.
C’est aussi peu réjouissant que d’attendre un coucher de soleil devant un mur.
Couler avec grâce ou à défaut et de sagesse,
Incarner la grâce du phénomène.